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aux cartes, tenues secrètes à l’égard de l’adversaire, mais comme aux échecs, tout à découvert.

La guerre de manœuvre, de mouvement, a été remplacée par une guerre de siège, une guerre de positions qui se prolonge. La tranchée est la caractéristique de cette guerre. Elle s’est perfectionnée, munie de périscopes, dotée de grillages pare-grenades, avec son flanquement de mitrailleuses, ses logements sous terre, ses boyaux d’accès en labyrinthe, ses fils de fer barbelés, formant protection à l’avant. On l’a éclairée à l’électricité, on l’a chauffée, on en a vidé les eaux par pompage électrique nuit et jour.

L’usage des armes présente des caractéristiques nouvelles. Meilleure utilisation de mitrailleuse en partant de l’idée qu’il vaut mieux placer dans une tranchée un homme seul, souvent un officier, avec une mitrailleuse, que d’y entasser des soldats d’infanterie avec leurs fusils. Les mitrailleuses crachent 700 balles à la minute ; la balle peut tuer sept personnes les unes derrières les autres. Des carabines à lunettes et des carabines à télescopes ont été distribuées à raison de deux par compagnie pour abattre les officiers. À 1000 mètres un homme y paraît en grandeur naturelle. Trois murs d’acier constitués dans certain cas (Dvinsk) par des mitrailleuses et des fusils en nombre tel que 10 kilomètres de front puissent diriger sur ennemi 5 millions de balles en une heure.

Les gaz asphyxiants (une nouvelle année envoyée par Dieu !) Emploi systématique des vapeurs asphyxiantes, fabriquées ad hoc, canalisées et dirigées (gaz lacrymogènes). La projection de liquides enflammés dans des projectiles spéciaux, composés d’acides et de corrosifs formant vagues de feu de vingt mètres de largeur. Emploi annoncé d’acide prussique. L’armement comprendra désormais des pompes et des pompiers et des liquides de choix, retour aux pratiques des Grecs et des Troyens.

C’est une guerre de munitions. Toutes les usines ont été mobilisées pour en fabriquer. À l’offensive franco-allemande de septembre 1915, les obus sont tombés sur les lignes allemandes pendant 70 heures consécutives ; on a cité le chiffre de 3 millions d’obus. En Allemagne, en plus de nombreuses fonderies de fer, 130 usines se consacrent presque exclusivement à la fabrication du matériel de guerre et 170 usines se sont installées pour fabriquer de l’acier ; l’usine Krupp est passée de 40,000 à 110,000 ouvriers. En France le travail des usines de guerre se poursuit nuit et jour. Le gouvernement anglais contrôle 2834 établissements industriels (février 1916) où travaillent 1,500,000 ouvriers et 250,000 femmes.

Grosse artillerie et artillerie de campagne ont eu chacune un rôle capital, les 420 allemands fonçant les coupoles bétonnées les plus solides de leurs énormes masses projetées, les 75 français exécutent