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Belgique, en France. Y a-t-il des raisons sérieuses de croire que les causes profondes de semblables luttes auront disparu du jour au lendemain ? Au contraire, n’y a-t-il pas à craindre après la paix une révolution sociale tendant à la conquête définitive du pouvoir ? Même, semblable révolution n’a-t-elle pas été escomptée dans le plan des alliés pour détruire l’impérialisme et ses soutiens ? Ce mouvement à l’égard de l’organisation intérieure de la société pourrait être fortifié par le mécontentement que produirait une paix n’ayant résolu aucun des grands problèmes posés par la guerre et démontrant l’inanité du massacre de dix millions d’hommes[1].

293.3. LA DÉMOCRATIE CHRÉTIENNE. — Au regard de la démocratie socialiste se développe la démocratie chrétienne qui elle aussi a son organisation et ses syndicats. Dans l’encyclique Rerum Novarum, du 15 mai 1891, Léon XIII a fait connaître ce qu’est l’ordre social chrétien. « Tout comme au temps de Grégoire VII et de Sixte Quint, dit M. Anatole Leroy Beaulieu, le pape voulut dire son mot sur les affaires humaines. Il semble que nous assistions à la rentrée en scène d’un des grands acteurs de l’histoire humaine. Sur les vieux théâtres d’où on l’avait crue à jamais bannie, la papauté aperçoit à la place des dynasties consacrées par ses mains un personnage nouveau la Démocratie. Émouvante rencontre en vérité et de laquelle dépend beaucoup le dénouement du drame des temps prochains. La papauté va droit à elle. Et de quoi lui parle-t-elle ? De ce qui tient le plus au cœur du peuple : la question sociale. »

L’encyclique, que l’on a appelée la grande Charte des ouvriers, pose d’abord en fait que le socialisme n’est pas une solution et la première chose qu’elle établit c’est la légitimité de la propriété domestique, transmissible héréditairement. C’est par contre l’illégalité d’un collectivisme ou communisme des biens qui serait la pire des tyrannies, la ruine du travail, le règne de tous les désordres et de tous les débordements, de tous les maux. Le socialisme condamné, le Pape invoque le Christianisme et c’est à lui, à sa doctrine, à sa morale qu’il demande d’établir les devoirs et droits réciproques du patron et de l’ouvrier, selon les règles de la justice et de la charité de l’Évangile. Une suite de propositions doctrinales se déroule ensuite. La propriété qui a des droits a aussi des devoirs : devoirs de l’aumône, du juste salaire, de la limitation des heures de travail proportionnées aux forces de l’ouvrier, du ménagement de la femme et de l’enfant. Devoir d’observer le repos dominical. Le contrat de travail entre le patron et l’ouvrier doit être libre également de part et d’autre et non imposé

  1. P. G. La Chesnais, Le groupe socialiste du Reichstag et la déclaration de guerre, Paris, Armand Colin, 1915, 101 pages. – Albert Thomas, L’Avenir du socialisme français, Revue politique internationale. — W. Walling, The Socialists and the War, New-York.