Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/410

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guerre ? On a versé des flots d’encre à propos de cette question. Certains socialistes font valoir que l’internationalisme n’est pas propre à la politique ouvrière ; qu’ils ne peuvent renoncer à la conception d’une entente internationale pour régler les droits du travail tant que les chrétiens catholiques n’auront pas renoncé à l’internationalisme de leur religion, tant que les industriels, les commerçants, les financiers n’auront pas renoncé les uns à embaucher des ouvriers étrangers, les autres à acheter ou vendre des marchandises ou à consentir à des banques autres que les banques nationales des acceptations et des ouvertures de crédit. La lutte sociale, disent-ils, reprendra après la guerre avec plus de force parce qu’ils seront innombrables les prolétaires des villes et des champs, aveuglés hier, auxquels la guerre aura enfin déssillé les yeux et qui auront compris qu’une société basée sur les antagonismes d’intérêt est forcément génératrice de guerre ; parce qu’aussi la tourmente économique en balayant les classes moyennes trop faibles pour résister aura sensiblement accru le nombre des prolétaires.

L’Internationale revivra-t-elle ? Y aura-t-il une nouvelle Internationale ? Y aura-t-il plusieurs Internationales, réunissant séparément les socialistes de chaque groupe de belligérants avec certains neutres ? Questions posées auxquelles l’événement répondra. Certes, la confiance entre les diverses sections de l’Internationale est ébranlée et un fort mouvement s’est dessiné en faveur d’un socialisme national, mais à ce sujet même les groupes sont divisés. En France, en Angleterre, en Allemagne les 33, il y a eu des internationalistes quand même, se prononçant les uns pour la reprise immédiate, des relations, les autres après la guerre, d’autres, en France, seulement avec ceux qui surtout ont abjuré l’impérialisme. La Conférence de Zimmerwald, tenue en septembre 1915 a été internationale et l’on sent se dessiner un mouvement pour faire des socialistes les arbitres de la paix prochaine. Le secrétaire général du Bureau socialiste international, Camille Huysmans, un Belge, a déclaré en décembre 1915 : « La reprise des relations internationales ne fait aucun doute. L’Internationale n’a jamais cessé d’exister. » « Les camarades étrangers peuvent être assurés, écrivait le Vorwärts, (reproduit par le Journal de Genève du 14 octobre 1914 ; cet article a fait suspendre le Vorwärts par la censure) que si les travailleurs allemands défendent leur patrie, ils n’oublieront pas pour cela que leurs intérêts sont les mêmes que ceux des prolétaires des autres pays, comme eux-mêmes, contre leur propre volonté, en dépit même de leurs démonstrations pacifiques répétées et formelles, ont été entraînés dans la guerre et font leur devoir. »

On peut aussi se demander ce que seront encore après la guerre maints dogmes socialistes : la lutte des classes après l’union sacrée ; l’internationale après la boucherie et l’appel à la haine ; la menace de