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frères et les amis de la sociale démocratie devant, selon eux, s’opposer à la guerre en Allemagne.

Ce n’est pas le lieu de refaire en détail l’historique de la crise du socialisme international dans les journées de juillet et d’août 1914. Il a été relaté par les socialistes de chaque pays, en donnant les motifs pour lesquels le serment de résistance à la guerre, juré une fois de plus au meeting du Cirque à Bruxelles, jeudi 30 juillet 1914, s’est trouvé quatre jours après parjuré par les Allemands. Ceux-ci ont allégué pour leur défense que la crainte du tsarisme a dicté leur conduite. On leur a répliqué que cela ne pouvait justifier l’invasion de la Belgique. Les socialistes alliés ont voté les crédits militaires et ont marché aux armées par la nécessité de se défendre contre l’agression des Allemands. « Nous affirmons, disent les socialistes alliés, qu’il n’y aurait pas de possibilité de développement du socialisme dans une Europe dont la moitié serait écrasée par l’autre et où, par conséquent, ce qui serait au premier plan des préoccupations de tous ce serait uniquement les querelles et les haines nationales[1]. »

Les socialistes alliés ont tenu, en janvier 1915, à Londres, une conférence socialiste internationale. Dans la déclaration qui est sortie de leurs délibérations on lit ce passage : « La conférence ne peut pas ignorer les profondes causes générales du conflit européen, qui est en lui-même le produit monstrueux de l’antagonisme qui déchire la société capitaliste et de la politique d’extensions coloniales et d’impérialisme agressif »[2]. Quelques mois plus tard, à l’occasion du 14 juillet, les socialistes français ont résumé ainsi leur point de vue : « Lutte pour que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes soit reconnu, lutte contre tous les impérialismes, lutte pour que les peuples se groupent et se fédèrent, lutte pour la paix, non la paix menteuse des armements, mais la douce paix des peuples libérés, nécessité de la fraternité et du rapprochement politique des peuples. »

Le socialisme international a-t-il fait définitivement faillite avec la

  1. Charles Dumont, La paix que nous voulons.
  2. Les socialistes déclarent que l’organisation de la société a été l’œuvre de la bourgeoisie capitaliste. Elle s’est réservé le pouvoir et avec lui la faculté d’aménager les choses et de conduire les hommes. Elle porte donc la responsabilité de la guerre. Ils ajoutent que les masses populaires furent entraînées dans cette guerre par l’Union sacrée, constituée dans tous les pays par les profiteurs du régime capitaliste (Merheim. Article dans l’Union des Métaux, numéro de fin d’année, 1915). — L’état industriel est condamné à la Weltpolitik : l’État-major industriel a besoin d’une politique mondiale pour rémunérer ses capitaux, pour payer les salaires de ses ouvriers ; le prolétariat en a besoin pour travailler à journées pleines et pour manger à sa faim (Handels und Machtpolitik). Il suffit de voir comment les Allemands en cette guerre conçoivent la victoire allemande : C’est une victoire industrielle, c’est le mariage forcé de la houille allemande et du fer étranger, c’est la réduction des peuples vassalisés au rôle de clients perpétuels de l’usine allemande (Henry Hauser, L’Allemagne économique, Rev. intern, de Sociologie, août-sept. 1915).