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ne retiendrons ici que quelques-unes de ces questions, les autres ayant leur place ailleurs[1].

1. Transformation et concentration des territoires. – Le système territorial des États du monde et principalement de l’Europe contemporaine est le résultat complexe d’une longue série de révolutions qui, créant et détruisant tour à tour les États, modifiant sans cesse leur assiette et leurs limites ont abouti à donner à notre monde sa configuration politique présente. Pour expliquer l’état présent il faut remonter fort loin le cours des siècles et tenir compte d’une multitude presque infinie de faits dans le triple ordre : physique (configuration naturelle des pays), ethnographique (races et nationalités), et surtout historique et politique (guerres et traités, mariages et conquêtes, intérêts dynastiques, révolutions populaires)[2].

Depuis le moyen âge jusqu’à nos jours un travail lent d’unification humaine s’est opéré d’où sont sorties les nationalités modernes. Les communes se sont agglomérées en provinces et plus tard les provinces se sont fondues dans les États. C’est ainsi que les différents royaumes de l’antique Ibérie sont devenus l’Espagne ; que Provence, Languedoc, Aquitaine, Bourgogne, Bretagne, dépecées en départements sont devenues la France ; que royaume de Naples, États Pontificaux, Toscane, Lombardie, Vénétie, Piémont, duchés de Parme et de Modène, morcelés en provinces administratives, ont fait place à l’Italie ; que l’Écosse, l’Irlande, le Pays de Galles, l’Angleterre forment à cette heure le Royaume-Uni, etc., etc.

Une carte géographique du continent européen datant du commencement du XVIIIe siècle nous montre l’Europe centrale divisée en une foule de petits États. La Russie à l’est, la France à l’ouest, pareils à deux colosses, cherchent à engloutir leurs petits voisins. (La Russie seule a réussi à garder ses proies : la Pologne, la Finlande, etc.) Pour les pays moins puissants il ne pouvait y avoir de salut que dans l’association et c’est grâce à elle que les États situés au sud de l’Europe centrale ont pu conserver leur liberté et leur autonomie. Ce mouvement s’étendit ensuite vers le nord. Il y avait à la fin du moyen âge, dans les pays que couvre l’empire d’Allemagne, 320 souverainetés, aujourd’hui absorbées par une seule. Hors d’Europe même mouvement. À l’époque de la conquête, la race américaine formait sur les vastes territoires devenus depuis la République de Colombie, environ quatre cents nations indépendantes les unes des autres, généralement ennemies, fréquemment en guerre, et distinctes dans leur origine, leur langue, leur coutume, leur religion et leur civilisation. De ces

  1. Pour la garantie internationale des territoires voir n° 371.
  2. A. Himly, Histoire de la formation territoriale des États de l’Europe centrale (1894). — A. Merignhac, Traité de droit public intern., page 361. Exposé sommaire de la situation internationale actuelle.