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dique repose tout entier sur un fait, une fonction sociale s’imposant nécessairement aux gouvernements. Conception socialiste puisque le droit public n’a plus pour objet de régler les conflits s’élevant entre le prétendu droit subjectif des individus et le droit subjectif d’un État personnifié, mais simplement de régler l’accomplissement des fonctions sociales du gouvernement[1].

292.3. RELATIONS DE DROIT ENTRE LES ÉTATS : LIMITATION NÉCESSAIRE DE LA SOUVERAINETÉ. — Dés que l’État existe dans la plénitude de sa personnalité il a certains droits fondamentaux sur la classification desquels on n’est pas toujours d’accord. On lui reconnaît généralement : 1o le droit de conservation et de défense : un État peut prendre les mesures destinées à garantir son existence contre les dangers qui le menacent ; 2o le droit de souveraineté et d’indépendance : chaque État jouit de la faculté d’exister librement dans une parfaite autonomie et de pour-

  1. Voici quelques opinions divergentes sur la conception de l’État. — Opinion allemande : « La subordination de l’individu à la communauté sociale (Hegel après Kant) n’est pas considérée par l’Allemand comme un esclavage mais comme un degré supérieur de liberté, l’individu n’étant que l’affirmation de la valeur supérieure de la communauté » (Schulze-Gaevernitz). — Opinion russe : Goremykine s’éleva contre les réformes demandées par la Douma, démontrant à l’empereur qu’il ne fallait pas laisser modifier, sous la pression des difficultés du moment, l’esprit des institutions russes. Les réformes libérales viendraient à leur heure, au gré du souverain et des instruments de sa volonté. Mais la Russie devait avant tout rester elle-même, sans copier le régime parlementaire d’autres pays. Le premier ministre obtînt donc la prorogation de la Douma. — Opinion américaine : « Aux États-Unis est née une réaction contre les excès de l’individualisme qui ont provoqué l’ère actuelle d’exploitation, de commercialisme, d’extravagance individuelle avec ses abus évidents, la malhonnêteté cynique de ses transactions, sa corruption, son luxe déchaîné. Une nouvelle conception politique, veut réagir comme le sentiment inné du citoyen, qui considère que L’État existe pour lui et non lui pour l’État. Cette conception veut élargir l’idée de l’américanisme, et regarder l’État, non cmme un assemblage d’individus libres de poursuivre leur lutte pour la survivance des plus forts, mais comme un idéal répondant aux besoins de l’humanité » (Owen Johnson). — Opinion suisse : « L’impérialisme produit partout le même résultat. Il arrive à accroître démesurément les attributions de l’État, à domestiquer l’individu dans lequel on ne voit plus l’homme mais la fonction. On prend l’individu dés sa petite enfance, on le fait passer par plusieurs laminoires scolaires successifs, le service militaire et l’Université achèvent le travail et la substance humaine en sort à l’état de pâte aplatie et assouplie, qu’on plie et qu’on roule à volonté. Le triomphe du système est de produire l’unité d’opinion » (P. Seippel). — Il faut rappeler ici pour mémoire la conception de l’État selon les théories de l’Anarchie. Celle-ci, exagérant les droits de l’individu, en arrive à relâcher le lien social jusqu’à dissoudre l’État. Le spectacle actuel de l’individu mis corps et biens à la disposition de l’État pour ses buts militaires donne un regain d’intérêt à ces théories. Les meilleurs se sentent devenir « anarchistes ». Les représentants du mouvement anarchiste international ont élevé la voix au début de la guerre et en mars 1916. — À consulter : Auguste Comte, Système de Politique positive, — Louis Gumplowitz, Sociologie et politique. — Spinoza, Tractatus politicus. — Henry Jones Ford, A natural history of the State. — A. Menzel, Zur Psychologie des Staates.