Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/378

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’intérieur et la représentation dans les relations extérieures ; qu’un but s’impose, le développement matériel, intellectuel, moral de la communauté.

La plus haute organisation sociale actuelle est l’État. Deux éléments le constituent à l’intérieur : des lois et une autorité chargée de les appliquer. Vis-à-vis de l’extérieur un État est une communauté indépendante organisée d’une manière permanente sur un territoire.

b) Il n’y a pas d’expression qui puisse davantage prêter à équivoque, et par suite à conséquences erronées, que celles par laquelle on désigne nommément les États. Les termes : la France, l’Angleterre, l’Allemagne ne signifient pas moins de quatre choses : 1. le territoire placé sous la domination d’un de ces pays. 2. Les Français, les Anglais, les Allemands, c’est-à-dire les membres d’une nationalité. 3. Leur gouvernement. 4. Les habitants du territoire (autochtones aussi bien qu’étrangers). Cette équivoque dans les termes en produit une dans les idées. L’intérêt d’un gouvernement ne se confond pas toujours avec celui des sujets. Un État peut parfaitement avoir fait « une bonne affaire », qui sera désastreuse pour les particuliers. Un État peut être à la veille d’une banqueroute, tout en ayant des membres riches et prospères. Cette sorte de « métaphysique politique et juridique » consistant à personnaliser des abstractions, bien que parfaitement nécessaire en pratique, ne doit pas aller cependant jusqu’à induire aux plus grossières erreurs.

c) Chaque État a une individualité propre, non seulement en fait, mais en droit. Les lois et coutumes générales du droit international sont pour chacun d’eux complétées par des conventions. Ainsi les individus, bien qu’égaux devant la loi, ont des situations différentes dues à l’ensemble des conventions qui les lient. C’est là le statut international de chaque État.

d) Il n’y a pas unité de vue sur la manière de concevoir l’État. Les uns voient dans l’État un organisme. L’État serait une création biologique vivant comme l’être humain, un organisme offrant les mêmes phénomènes de naissance, de croissance et de mort que les individus[1]. Pour d’autres, l’État est une personne, une personne morale, une fiction indispensable qui traduit les réalités les plus hautes ; la Nation et la Patrie[2]. À la notion de la nation-personne, certains auteurs allemands préfèrent l’idée de la nation-organe. Le peuple n’aurait pas de droits distincts de ceux de l’État ; la nation constituerait simplement un organe de l’État avec lequel il se confondrait[3].

  1. Alexandre. La crise de la science politique, Revue de droit public, 1900, t. XII, p. 249.
  2. « Si l’État n’avait pas cette haute personnalité morale, l’idée si grande et si chère de la patrie ne se comprendrait pas. » (Bluntschill.)
  3. Jellineck, Allgemeine Staatslehre, p. 383 et s.