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rence et le disparate le plus choquant[1]. En outre la procédure de ratification est une vraie chinoiserie, exigeant par exemple pour les seules conventions de La Haye 1892 actes séparés et disséminant les archives des traités dans un grand nombre de capitales ! — h) Esprit suranné. Le droit international a ses orthodoxes qui s’en tiennent aux vieilles règles établies et non respectées, à la routine de certaines interprétations étymologiques. Les réalités de la vie semblent ne pouvoir pénétrer ni dans les chancelleries, ni dans les cabinets des jurisconsultes, les seuls qui aient eu jusqu’à ce jour à formuler le droit international. — i) Reconnaissance du droit de faire la guerre, allant jusqu’à réglementer la manière de se battre. Or c’est contre ce droit même que s’élève aujourd’hui l’humanité indignée. Les idées et les sentiments ont évolué au point de voir désormais dans la guerre, pratiquée jusqu’ici par tous sans scrupules, le plus abominable des crimes contre les hommes.

286.2. BASES DU DROIT NOUVEAU. — Il est donc nécessaire de reconstruire ab ovo, ou plus exactement de construire, le système du Droit international, comme on reconstruit les institutions d’un État après une violente révolution. Si l’on suit le travail qui s’élabore actuellement dans les esprits et dans les consciences, si l’on interprète bien les événements qui se passent, et dont aucun n’implique du définitif, puisque après avoir détruit à la guerre, il faudra réédifier au traité de paix, il faut reconnaître que le nouveau droit international est en gestation. Déjà l’on peut indiquer quelques-uns des axiomes et des bases sur lesquels il devra s’asseoir.

a) Le droit nouveau se proposera pour objet d’organiser l’ensemble des relations internationales que la vie a spontanément créées. C’est la communauté mondiale elle-même qu’il faut établir sur des fondements stables ; c’est son existence qu’il faut reconnaître juridiquement et dont il faut assurer le fonctionnement, non seulement au point de vue de la sécurité mais aussi du développement. Le droit, plus complet que celui d’aujourd’hui, tiendra donc compte du point où en est arrivée l’évolution des faits, de la croissance formidable des États et de l’extension des relations internationales dans toutes les directions. Aucun des groupes d’États en présence ne pouvant imposer à l’autre l’adoption de son propre droit, ils sont contraints de créer ensemble une loi supérieure, une loi supernationale, pour réglementer des rapports qui ne peuvent être régis par ces droits disparates. Il faut fonder définitivement l’ordre juridique supernational, « le droit du genre humain, terme collectif embrassant cette grande république formée par tous les êtres considérés individuellement ou existant sous la forme d’individualités collectives » (Pasquale Fiore).

b) Le nouveau droit établira clairement la notion de l’État comme

  1. Lire par exemple : Alban, Les grands traités politiques.