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286.1. « CRITIQUE DU DROIT ACTUEL ». — Le vieux droit a été violé, foulé aux pieds. À la vérité il n’était qu’un timide essai, une première esquisse, dont les lacunes et les défauts étaient nombreux[1].

a) Pas de code. Les dispositions du droit sont éparses dans des sources innombrables (conventions internationales et ouvrages des auteurs) et beaucoup sont unilatéralement tenues pour abrogées. — b) Absence de sanction et de force publique de sanction : On se borne à édicter des règles sans se préoccuper de ce qu’elles deviendront. Ces règles manquent des déterminations nécessaires pour constituer de véritables devoirs juridiques. Le droit international est donc essentiellement un droit volontaire dans son exécution ; l’État qui a signé un traité « doit » tenir ses engagements, mais « peut » s’y soustraire, car toutes les garanties morales deviennent vaines devant les mauvais parti pris. — c) Pas de tribunal. On ne peut donner ce nom à la cour de La Haye, simple liste d’arbitres déposée dans un office. — d) Lacunes : domaines entiers non réglés et parmi eux les plus fondamentaux, tels que les relations normales entre États en dehors du temps de guerre et la conduite des affaires courantes de manière à créer l’entente et la coopération. — e) Manque de précision : les dispositions des traités sont insuffisamment développées, et le droit international non contractuel, coutume ou droit des gens, est vague. Les auteurs seuls s’en sont occupés mais ils n’ont aucune autorité officielle et, au surplus, ils ne sont pas d’accord entre eux. — f) Absence de conception d’ensemble, aucune idée centrale telle que l’existence d’une société de nations, de l’intérêt universel, l’intérêt de l’humanité. Le droit est dérivé presque tout entier de conceptions anciennes où les États ne connaissaient d’autres relations que celles de leurs souverains entre eux. — g) La manière défectueuse d’élaborer le droit international. Il manque des organes réguliers, permanents, pour formuler le droit au fur et à mesure que des besoins nouveaux sont constatés (Congrès ou Parlement international). La procédure de la formation des traités est lente ; ils ne sont pas communiqués à tous les États, ni soumis à leur approbation, ou à leurs observations préalable. De là des suspicions et des surprises dangereuses. L’accession des nouveaux États aux traités est rarement prévue. Il n’y a pas non plus de principes d’ensemble, supérieurs, auxquels les traités doivent se subordonner. La lecture d’un recueil de traités présente l’incohé-

  1. Dr A. Heringa, De crisis van het volkenrecht. Vrede door Recht. Mei-Juni, 1915, p. 118. — Sir H. Earl Richards, Does international law still exist ? (London, Oxford, University Press, 1915). — Charles Dupuy, L’avenir du droit international, Revue des sciences politiques, 15 décembre 1915. — A. Pillet, Les leçons de la guerre présente au point de vue de la science politique et du droit des gens.