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Ses règles sinon se videraient de signification ou seraient contraires à l’utilité, à l’intérêt général.

À notre époque de vie intense et de changements rapides, le droit, pour être vraiment complet, ne doit pas seulement organiser un système d’injonctions et de défenses, de preuves et de sanctions, il doit posséder aussi le mécanisme nécessaire à son évolution et à son adaptation. Il faut éviter ainsi que la force arbitraire se mette au service de fins égoïstes pour briser les injustices et l’arriérisme qui se réclament des droits acquis et du statu-quo[1]. On ne peut vouloir que « le progrès humain reste cristallisé, que la vie avec ses vieilles mesquineries et ses iniquités s’écoule tristement jour par jour, suffoquée sous le sombre et large manteau d’un nombre infini de chicaneurs » (Humano).

2. Nature des conflits politiques. — L’adaptation du droit international est non moins impérieuse que celle du droit national. C’est une grave erreur, en effet, d’assimiler les conflits politiques aux procès des particuliers qui se terminent en justice. Ils sont comparables seulement aux luttes politiques et sociales, puisqu’ils sont en partie le résultat de la croissance des nations. Il ne s’agit donc pas d’appliquer les lois existantes, mais de modifier le droit lui-même, d’abolir des droits défavorables en vigueur et de créer des droits favorables nouveaux. Puisque la société des nations est une chose vivante, l’ordre international doit changer de temps en temps. Ces changements s’accompagnent d’antagonismes entre ceux qui veulent le maintien du passé et ceux qui veulent le modifier. Jusqu’ici les grands changements, qu’ils soient des progrès ou des retours en arrière, ont été accompagnés de grandes guerres. Et l’on peut se demander si ce sont les guerres qui ont causé les transformations, ou si les transformations ont amené les guerres, de toute manière les changements jusqu’ici ont été inséparablement liés aux guerres. Dès lors tout le problème de l’heure présente revient à savoir si à l’avenir les grandes transformations internationales pourront s’opérer par le jeu normal d’institutions appropriées et si des changements « constitutionnels » peuvent être apportés à la société internationale sans révolution sanglante[2].

3. Appropriation des territoires. — La répartition actuelle des territoires entre les États correspond à ce que l’ont faite les vicissitudes de l’histoire et le hasard des conquêtes dans le passé. L’immémorialité, la prescription, l’usucapion ont créé le droit : beati possidentes. Cela sera-t-il pour toute l’éternité ce que c’est ? Si la réponse est non, — ce qu’elle doit être, et que l’on veuille éviter les actes de violence, quels processus nouveaux imaginer pour atteindre à la source même beaucoup de conflits ?

  1. F. Lassalle, Théorie systématique des droits acquis.
  2. J.-T. Lawrence, The peaceful settlement of International disputes, 1915.