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légalement ratifiés. Le contrat est l’aboutissement de la civilisation (Summer Maine).

2. Au début de la guerre l’Allemagne a violé avec préméditation la neutralité de la Belgique, solennellement garantie par elle, conjointement avec la France, l’Angleterre, la Russie et l’Autriche. Dans un discours célèbre le Chancelier de l’empire a cyniquement déclaré que l’Allemagne allait opérer cette violation et son Ministre des affaires étrangères a qualifié le traité de neutralité de « chiffon de papier ». L’émotion causée dans tous les pays par ces faits a été formidable. Du jour au lendemain l’Allemagne et son alliée l’Autriche se sont trouvées moralement isolées dans le monde ; l’Angleterre est intervenue. C’est que, pour toutes les nations du monde, si l’on excepte les empires centraux, l’espoir du genre humain en un lent progrès vers la paix internationale a pour base le respect des engagements entre nations. « Treatiees are the currency of international statemanship. — Les traités sont les lettres de change des États » a dit Lloyd Georges.

L’Allemagne a cherché, non pas à excuser son acte, mais à l’expliquer comme tout à fait normal et cela a aggravé considérablement son cas, car derrière le fait sont apparus la doctrine et le système. Le professeur Kohler, de Berlin, notamment, s’est fait le défenseur de l’acte allemand à l’égard de la Belgique dans une brochure : « Not kennt kein Gebot » (nécessité ne connaît point de loi). Il s’y exprime de la manière déconcertante et brutale que voici : « Vis-à-vis de la Belgique l’Allemagne se trouvait pouvoir invoquer le droit de nécessité. Au nom de ce droit, elle pouvait traverser la Belgique. Tout ce qui avait été convenu auparavant ne valait point contre cette nécessité. Ce droit de nécessité était d’autant plus évident qu’il ne s’agissait pas pour l’Allemagne d’anéantir la Belgique mais seulement d’obtenir d’elle le passage, c’est-à-dire une diminution presque insignifiante de sa puissance territoriale. En violant la Belgique, l’Allemagne a exercé son droit de nécessité et a rempli un devoir sacré envers elle-même et aussi envers la civilisation. Elle a sauvé son existence. La Belgique elle-même est responsable de sa destinée. » Et le professeur Harnack surenchérissant de son côté a dit : « Il y a un droit de nécessité qui brise le fer, encore bien plus un contrat. » Harden écrivait peu après (Zukunft, 29 juillet 1915) : « L’arrogance hostile des puissances occidentales nous délie de toutes les obligations contractuelles, nous fait échapper à toutes les geoles verbales. » Il est vrai que la confiance dans les accords internationaux avaient été largement détruite déjà en Allemagne par les procédés et les déclarations de Bismarck.

Nous sommes donc bien en présence d’un système affirmant que dans les affaires humaines des nations il n’y a pas de code de droit,