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suppose en effet entre les peuples des rapports fréquents, des relations de tous genres, une vie internationale qui n’existait pas pour ainsi dire avant la révolution française[1]. Citons quelques exemples. – À Byzance la défiance était grande pour l’étranger. Les marchands étrangers obtenaient des privilèges, mais ils les payaient au prix de toute liberté d’action. Confinés dans des quartiers déterminés des villes ils se voyaient soumis à d’innombrables mesures de police et traités constamment en suspects. Leurs acquisitions étaient limitées, ils ne pouvaient acheter que certaines marchandises, ils ne pouvaient dépasser un chiffre fixé. Les agents de l’autorité surveillaient, examinaient. Comme sanction de leurs ordres et de leurs défenses, ils accordaient ou refusaient l’estampille impériale qui était exigée pour l’exportation[2]. – Les Chinois, eux s’appelaient les Fils du Ciel. Ils donnaient à leur pays le nom de « Fleur du milieu », « Céleste empire ». Quant aux nations voisines, au nombre de quatre, ils les désignaient : « Les Porcs », « les Démons », « les Sauvages », « les Chiens ». Les étrangers étaient à ce point considérés comme leurs inférieurs qu’ils les appelaient : sourds, muets, bredouilleurs, malpropres, idiots, monstres immondes. Au commencement de la conquête de l’Amérique, les Espagnols consentaient à peine à reconnaître les Américains pour des hommes. Ils les chassèrent de leurs possessions et en firent des esclaves. – Le droit d’aubaine, appropriation de la succession de l’étranger, a longtemps existé. Il est d’origine féodale. En l’abolissant, la Constituante le déclara « contraire aux principes d’humanité qui doivent lier tous les hommes, quels que soient leur pays et leur gouvernement. La France libre doit ouvrir son sein à tous les peuples de la terre en les invitant à jouir des droits sacrés de l’humanité ».

3. Aujourd’hui les droits des étrangers ont leur source soit dans des lois nationales, soit dans des traités internationaux. Ainsi, en Argentine, la constitution de 1853 déclare que tout étranger habitant le territoire jouit de la plénitude des droits civils. – En Belgique, la constitution déclare, en son article 128, que tout étranger qui se trouve dans le territoire de la Belgique jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi. La règle est d’ordre public et les incapacités civiles qui frappent les étrangers dans d’autres pays, par exemple celles qui pourraient atteindre certains Belges en Russie, ne sont pas applicables par réciprocité à des étrangers en Belgique, par exemple à certains Russes. En matière de droit privé l’assimilation est absolue. Peu de lois établissent en Belgique des différences entre les étrangers et nationaux, sauf au point de vue politique et administratif où leur incapacité est la règle (Constitution 4, 6, etc.). De nombreux traités spéciaux garantissent déjà dans une

  1. Lainé, Introduction au droit international privé, 1888, page 44.
  2. Nys, Recherches sur l’histoire de l’économie politique, page 3.