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1. La force doit être la base du gouvernement, mais une force mise au service du droit. « La force est le soutien de tout, chaque être et chaque chose a la sienne propre. La force est donc la base essentielle du gouvernement. Elle est cérébrale, musculaire et économique. – La force est cérébrale lorsqu’elle se manifeste comme puissance : a) éducative, tendant à constituer la morale, vraie ou fausse, des fonctionnaires du gouvernement, et celle de tous les gouvernés, c’est-à-dire leur manière habituelle de penser et d’agir, et par conséquent l’usage habituel et discipliné de leurs forces ;b) persuasive, lorsqu’elle tend à obtenir l’obéissance des gouvernés ; c) insidieuse, lorsqu’elle tend à surprendre les gouvernés et à diminuer l’efficacité de leurs forces contraires. – La force est musculaire lorsqu’elle se manifeste comme puissance de coercition, offensive ou défensive, exercée avec la rigueur, le nombre et l’armement des gouvernants et de leurs fonctionnaires. — La force est économique lorsqu’elle se manifeste comme réserve de provisions vitales aptes à augmenter et à prolonger l’exercice des deux forces précédentes, cérébrale et musculaire[1] ».

2. La force humaine c’est la vie même qui s’extériorise, c’est-à-dire, la volonté de l’homme qui est mue par des désirs conscients. Dans le système juridique la force physique prend le nom de contrainte ou de sanction. C’est l’acte qui a pour but de forcer quelqu’un à donner ou à faire quelque chose (contrainte par saisie, contrainte par corps). « C’est par une action coercitive que l’État arrive à faire régner l’ordre. Il exerce une contrainte externe. Il commande et les particuliers obéissent.  L’obéissance est le premier des devoirs civiques. Faut-il que la contrainte ait un effet sur l’intérieur des consciences ? Elle peut se borner à n’obtenir que des actes, les faits matériels de l’obéissance. Des empires se sont maintenus pendant des siècles en qualité d’États puissants et hautement développés sans cet acquiescement intérieur. L’effroyable principe βια βια βιαςετατ (la force est contrainte par la force) domine toute l’histoire des États[2]. »

Cependant, plus la loi sera conforme à l’intérêt général, plus ses motifs apparaîtront clairement, plus elle obtiendra assentiment intérieur et réfléchi, plus aussi l’exécution des lois sera aisée, grandira l’impression de liberté parmi le peuple. Toute l’évolution de la loi dans les pays libres et démocratiques va dans ce sens. C’est la discipline volontaire opposée à l’obéissance mécanique.

3. Quand les gouvernements ne réalisent pas la justice il faut bien, à moins de se résigner, que les particuliers recourent eux-mêmes aux mesures énergiques, à la force.

Toutes les classes gouvernantes a) d’abord se contentent de sourire à la demande de concessions de droits plus équitables et d’une

  1. Umano, Essai de constitution internationale, page 32
  2. Treitsche, Politik 1. T. p. 32.