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verain du monde. Au-dessus de tout, il y a la justice, et la justice armée d’un glaive (Mirabeau)[1]. »

2. La conception du droit est basée sur son identification, en Allemagne avec la force, en Angleterre avec l’intérêt social, en France avec l’idéal (Fouillée).

3. Les deux termes du droit, comme de la morale et de la politique, sont l’homme et la société, l’individu et le groupe. Le principe de l’existence de l’individu est l’expansion de la vie ; le principe de l’existence de la société est la solidarité. Le droit doit s’efforcer de concilier ces deux principes, en se basant sur le fait que l’homme a besoin de la société et que la société n’a d’autre fin que l’homme.

4. L’évolution du droit franchit trois étapes : a) À l’origine le droit est vague, diffus, fragmentaire. La société a une organisation que caractérise l’usage plus que les ordres formels de la loi, et cette organisation spontanée est quasi inconsciente pour la plupart de ses membres. Chacun fait ce qu’il a toujours vu faire ou ce qu’on lui dit de faire. b) Plus tard, très tard, intervient le droit écrit, rédigé, codifié, c’est alors beaucoup moins pour innover que pour constater ce qui est. Il décrit le plan social existant, le consacre et n’intervient, peut-on dire, que pour régulariser les exceptions. Il suit donc la vie. c) Dans sa phase ultérieure, celle où nous sommes entrés, le droit précède la vie, décrit un plan social nouveau et intervient pour l’imposer à toute la société. Les hommes ont reconnu en lui un instrument pratique de progrès et ils le mettent au service de l’organisation.

Remarque importante cependant : si le droit est l’ensemble des règles qui servent à maintenir l’organisation sociale, ce n’est pas lui qui crée cette organisation. Celle-ci est indépendante du droit, antérieure à lui ou concomitante ; elle est l’œuvre coordonnée de toutes les sciences s’appliquant au progrès volontaire et aux réformes sociales.

281.2. LA FORCE ET LE DROIT. — La force primant le droit, ou au service du droit ; l’intangibilité des droits acquis ; la conformité nécessaire du droit positif au droit naturel ; la légitimité de l’insurrection contre le pouvoir ou contre la loi injustes ; l’évolution de la force vers le droit : ce sont là autant de formules jetées dans les discussions dont il importe de sonder le contenu et la valeur.

  1. E. Picard, Le droit pur. — Roguin, La règle de droit. — Holtzendorf, L’encyclopédie du droit. — E. Kant, Principes métaphysiques de la théorie du droit (1797). — Von Ihering, Zweck im Recht, Leipzig (1884). – M. Aguilera, L’idée du droit en Allemagne depuis Kant jusqu’à nos jours (1893). — A. Boistel, Cours de philosophie du droit (1899). — Beline, Philosophie du droit ou cours d’introduction à la science du droit (1881). – Courcelle-Seneuil, Préparation à l’étude du droit, Études des principes (1887). — J. Cruet, La vie du droit et l’impuissance des lois.