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vers l’idéal d’une volonté générale qui serait en même temps complexe et stable[1]. »

4. Le problème du fondement de la conduite humaine sera résolu par l’emploi d’une méthode vraiment positive ; car une loi morale, à l’avenir, pour s’imposer à tous ne pourra plus invoquer que ce qu’il y a de commun dans tous les esprits, en faisant abstraction de l’histoire, des religions particulières, des diverses pensées ethniques. Ce sera le triomphe de la science, le débarrassement des mille problèmes qui retardent et dont l’importance est aussi insignifiante que ceux dont l’histoire a successivement débarrassé l’Humanité.

5. À la vérité les hommes doivent se faire leur morale eux-mêmes. Ils ne voient pas, avec la clarté de l’évidence, une autorité spirituelle, divine ou religieuse, leur présenter des principes de vie communs. Ils n’ont pas non plus en eux l’instinct invincible, automatique qui, tels les insectes sociaux par exemple, les déterminerait à des actes quasi mécaniques dont le résultat final soit la conservation de toute l’espèce. Au contraire ils voient la possibilité de raisonner leur situation et constatent une liberté relative de déterminer leur conduite selon le but qui leur aura paru rationnel. Ils constatent aussi qu’à leur raison ne s’impose irréfragablement aucun principe qui ne soit démontrable. De ces premières constatations les hommes passent à d’autres relatives à leur situation. Ils se voient placés au milieu de la nature, faisant partie d’elle, contraints d’en subir les lois. Celles-ci s’imposent à eux, avec la rigueur de la nécessité, mais par leur intervention intelligente ils parviennent à éviter leurs conséquences et à utiliser à leur profit certaines forces originairement dirigées vers d’autres buts que leur bien. Par là, ces lois n’apparaissent plus comme l’expression d’un plan, d’une volonté extramondiale, qui serait absolue, rigoureuse et inflexible. Et à supposer même que ce plan existe, il ne dessine pas d’avance la destinée de l’homme, ni comme individus, ni comme groupe, puisqu’il peut en déranger l’exécution. Ces raisonnements fondamentaux n’ont rien que de positif. Ils n’excluent nulle croyance, nulle hypothèse sur la fin dernière des choses ; c’est un minimum objectif et démontrable, auquel chacun peut ajouter, selon son jugement personnel. Serait-il convaincu que cette vie n’est pas un court passage vers une autre meilleure, que sa personnalité après la mort se dissoudra intégralement dans les éléments et les forces du vaste univers, ou pour parler le langage courant, aurait-il la certitude qu’il n’y a ni âme, ni immortalité, ni paradis, la conséquence de ces croyances ne serait nullement le suicide. Il accepterait volontairement de continuer une vie dont cependant il pourrait sortir à son gré ; il accepterait les limitations qui l’entourent de toutes parts, les heures de

  1. G. Renard, La morale sociologique et la crise du droit international, « Revue philosophique », novembre 1915, p. 412.