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L’Allemagne voulait une guerre préventive parce que la Russie, qu’on aurait pu croire orientée définitivenant vers l’Asie et l’Extrême Orient, s’intéressait de nouveau à l’Orient européen, depuis la défaite de Moukden. Il fallait l’abattre avant qu’elle ait eu le temps de grandir. Or, les circonstances de 1914 s’offraient défavorables pour la Triple Entente et favorables pour les Allemands qui ont choisi leur heure.

a) Circonstances favorables pour eux : les renforcements militaires prévus par la loi de 1912 étaient terminés : ils sentaient qu’ils ne pourraient pas poursuivre indéfiniment avec la Russie et la France une course aux armements qui finirait par les ruiner. Le « Wehrbeitrag » avait été une déception pour le gouvernement impérial auquel il avait montré la limite de la richesse nationale. Il fallait aussi se hâter que la mort de l’empereur d’Autriche n’eut pas créé des difficultés intérieures qui eussent affaibli l’allié.

b) Circonstances défavorables pour les alliés : La Russie avant d’avoir achevé son organisation militaire avait eu le tort de faire étalage de sa force quelques mois auparavant Il lui manquait les lignes stratégiques nécessaires (en Pologne, elles devaient être achevées en 1917). De grandes grèves venaient d’y éclater. La France manquait des canons de gros calibre qui devaient décider du sort des batailles (révélations faites par Charles Humbert). L’Angleterre était travaillée depuis deux ans, non sans quelques succès en vue de la détacher de la France et de la Russie ; elle paraissait paralysée par ses dissentions intestines et la querelle irlandaise[1].

L’Allemagne avait élevé sa nouvelle génération dans le mépris des autres nations. La décadence de l’Angleterre, la dégénérescence de la France étaient devenues un évangile. Elle sous-évaluait l’armée française et croyait que les passions politiques avaient déchiré et affaibli la France au point de la laisser à sa merci le jour d’un conflit.

2. L’Autriche. Elle considérait les Balkans comme le territoire réservé à ses extensions et à l’expansion de son commerce. Son plan était d’aller à Salonique. Le développement des États balkaniques lui avait causé une vive déception et elle voulait rétablir les choses dans l’état antérieur. Il y avait eu tentative d’émancipation de la Roumanie qui, malgré son traité avec elle, s’était mise du côté de la Serbie dans la deuxième guerre balkanique. D’autre part, dans sa situation précaire, elle craignait que l’exemple des propagandes panserbes dans son propre territoire n’eût été imité et n’eût mis en péril sa politique des nationalités.

3. La Russie. Sans doute ce pays n’était pas préparé : s’il a relevé le gant qui lui était jeté, c’était pour plusieurs motifs particuliers. D’abord la menace austro-allemande en Galicie. Avec le temps

  1. Voir dans le deuxième Livre gris belge la lettre du 26 juillet du baron Beyens.