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sujet la proposition de Zamennof[1]. « Ce n’est que dans les institutions publiques qui ne sont pas spécialement destinées à un peuple qu’on emploiera une langue qui devra être acceptée comme officielle d’un commun accord par les habitants du pays, Dans les institutions publiques qui ont un caractère local on pourra employer une autre langue au lieu de la langue officielle, si au moins les 9/10 de la population ont donné leur consentement pour cela. La langue officielle du pays ou de la ville ne doit pas être considérée comme un tribut humiliant dû par les peuples gouvernés à celui qui gouverne, mais uniquement comme une concession de la minorité à la majorité, un engagement libre n’ayant pour but que la commodité ».

261.3. LANGUES DOMINANTES. — L’avantage est grand pour les sciences d’une langue dominante. Une question se pose : laquelle des langues modernes sera nécessairement dominante au XXme siècle ? A. de Candolle (Histoire des sciences, page 292) a présenté, il y a une quarantaine d’années, les considérations suivantes en faveur de l’anglais. Une langue ne peut devenir dominante que si elle réunit deux caractères : a) avoir assez de mots et de formes germaniques et latines pour être à la fois à la portée des Allemands et des peuples de langues latines : b) être parlée par une majorité considérable des hommes civilisés. En outre elle doit avoir des qualités de simplicité grammaticale, de brièveté et de clarté.

L’anglais est la seule langue qui puisse dans 50 ou 100 ans offrir toutes ces conditions réunies. Elle est une langue moitié germanique et moitié latine. Elle est largement parlée. De calculs faits en 1873 sur les éléments dont il disposait, et en s’appuyant sur les accroissements constatés de population, de Candolle déduisait que dans un siècle la langue anglaise aurait progressé de 77 à 860 millions ; la langue allemande de 62 à 124 millions ; la langue française de 40 ½ à 69 ½ millions. Les chiffres fournis sont à reviser, mais les indications restent exactes dans leur tendance. Une conclusion paraît certaine. Dans un siècle l’Amérique du nord parlera l’anglais, l’Amérique du Sud espagnol et portugais, l’Afrique anglais et français, l’Asie parlera russe, anglais et chinois. Aucun continent ne parlera allemand à moins que des transformations immenses et imprévues ne se produisent après cette guerre.

Michel Bréal, reprenant une idée déjà exposée par Paul Chappellier, a proposé la combinaison suivante : la France, l’Angleterre et les États-Unis concluraient un traité linguistique d’après lequel l’anglais serait obligatoirement enseigné en France, le français en Angleterre et dans L’Amérique du Nord, non pas seulement dans les universités et collèges, mais dans certaines écoles primaires des grandes villes.

  1. La Voix de l’humanité, juin 1015.