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Au début du XXe siècle, l’homme apparaît sur la Terre dans un monde tel que n’en connut aucun de ses ancêtres.

Des transformations économiques profondes dues au progrès constant de la technique, engendrés eux-mêmes par de merveilleuses découvertes scientifiques, décuplent la production, élargissent proportionnellement la consommation et répartissent plus justement la richesse dans toutes les couches sociales.

Les moyens de transport et de communication perfectionnés font circuler, à travers tous les pays, les hommes, les choses et aussi les idées. Ils leur ouvrent à tous un marché mondial, provoquant ainsi des transformations corrélatives dans l’ordre intellectuel et social.

Les sciences internationalisées se créent un large domaine à côté des religions. Les arts, universellement appréciés, assument la tâche d’embellir les existences. Les esprits s’instruisent et s’affranchissent. La conception de la vie se fait à la fois plus réaliste et plus idéaliste. Tandis que les sentiments s’affinent, les obligations de la morale s’étendent à des sphères d’êtres toujours plus larges. Partant, les liens sociaux deviennent très étroits et, à tous les degrés, les structures sociales se fondent sur la solidarité. Le droit incessamment travaille à protéger par de solides armatures toutes ces acquisitions d’une vie plus générale, plus intense, et à matérialiser en réalités concrètes les aspirations devenues communes à tous les hommes vers plus de lumière, plus de liberté, plus d’égalité, plus de fraternité[1].

Brusquement voici que la monstrueuse guerre de 1914 vient opposer le flot de ses brutalités à cette ascension vers une civilisation mondiale.

Treize nations luttent les unes contre les autres, chacune affirmant qu’il y va de son existence. Vingt millions de soldats sous les armes. Guerre sur terre ; guerre par dreadnoughts, sous-marins et mines flottantes ; guerre dans les airs. Les armées additionnées de Gengis-Khan, de Timur, de Xerxès, d’Annibal, de César, de Saladin et de

  1. Picard, Alfred, Le bilan d’un siècle. Rapport du Commissaire général de L’Exposition Universelle de Paris, 1900, 6 vol. (1906).