Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces dernières années au point de créer une crise que nul effort ne parvenait à dénouer. Elle le fera de plus en plus à l’avenir.

Les crises sont des arrêts de circulation. Elles se déclarent lorsque ceux qui ont à vendre ne trouvent plus d’acheteurs et que ceux qui voudraient acheter ne le peuvent pas. Elles ont des causes complexes dans le développement desquelles on a pu distinguer plusieurs périodes successives : l’étude des crises a montré un singulier parallélisme entre les phénomènes qui les accompagnent et une influence mondiale concomitante ou consécutive des mêmes causes[1]. Il est à croire que les efforts qui seront faits après la guerre pour relever le crédit des nations belligérantes, quelles qu’elles soient, mettra à nu cette solidarité mondiale du crédit sous toutes les formes et sur toutes les places.

3. Les changes. — Le change dépend du mouvement des affaires entre les diverses places commerciales, c’est-à-dire de l’offre et de la demande du papier. Ses variations ont pour limite le prix du transport des espèces de la ville où la traite est payable à celle où elle a été tirée. Les variations des cours du change entre les diverses places donnent naissance à l’arbitrage. Il consiste à acheter des effets de commerce ou d’autres valeurs sur certaines places pour les revendre où ils sont recherchés à plus haut prix. L’arbitrage résulte aussi des spéculations faites directement sur le cours des changes par des banquiers qui établissent entre eux, à volonté et en un instant, des lettres de change sur tel pays et telle monnaie dont ils ont besoin. Les grands arbitrages sur les valeurs internationales et les fonds des différents États sont une des opérations principales des banques les plus puissantes.

Le rôle des changes est considérable dans l’économie mondiale. Les changes dépréciés ont été longtemps le propre des Républiques américaines, de la Grèce, de l’Espagne, de l’Italie, pays qui étaient « à finances avariées ». Au cours de la guerre la cote du change a été tenue pour le baromètre des possibilités économiques des belligérants dans leurs relations avec l’extérieur, c’est-à-dire en dehors de la sphère d’action soumise à la toute-puissance de leur volonté nationale imposant le cours forcé.

Le ministre des finances de Russie, M. Bark, a exprimé le souhait de voir le commerce international établir une convention pour régulariser la situation en fixant un change commun, comme on le fit entre les alliés pour les finances de l’État[2]. On a vu les alliés : France, Angleterre, Russie, Italie, prendre des mesures concertées aux États-

  1. Clément Juglar, Les crises. — Voir aussi les intéressants graphiques des conditions générales des marchés, publiés périodiquement par la « Babson statistical Organisation », Wellesleys, Hills (Mass.).
  2. Le Temps, 2 août 1915, p. 4, col. 3.