Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ouvrant tous les marchés à toutes les concurrences et en les y plaçant sur un pied d’égalité, ouvrirait des soupapes de sûreté aux énergies dangereusement comprimées et tentées de faire servir les forces de l’État pour obtenir des avantages entrevus. Elle réaliserait en conséquence une sorte de « dénationalisation » officielle des intérêts économiques, préliminaire de leur internationalisation organique.

Exemples des dangers que font courir à la paix les guerres de tarifs : les premières années de l’Indépendance américaine, les initiatives de l’Allemagne en 1893, les guerres de tarifs entre la France et la Suisse (1892-1895), entre la France et l’Italie (1888 a 1899). Il y a une étroite connexité entre les guerres de tarifs et l’accroissement des armements.

À la suite de l’expiration du traité de commerce de 1881, les exportations de la Belgique vers la France ont subi une brusque et notable dépression. En 1910, après vingt ans d’efforts, elles atteignaient à peine les chiffres constatés en 1881, dernière application du dit traité. On a bien mis en lumière jusqu’à quel point, dans la guerre actuelle, pèsent du côté allemand le protectionnisme français, né en partie de l’inacceptation du traité de Francfort[1] ; l’exclusion des marchés coloniaux français : l’éventualité de la fédération douanière et de la fermeture des marchés anglais, préconisés par Chamberlain ; la fermeture du marché russe. Les Allemands disent qu’ils sont dépourvus de colonies, qu’ils n’ont pas eu comme les autres peuples l’occasion de prendre par la force leur part des territoires et des pays nouveaux, qu’ils sont en possession d’une industrie se développant comme celle de tous les autres pays, trop puissamment pour leurs besoins intérieurs.

  1. Le Traité de Francfort, intervenu en 1871 entre la France et l’Allemagne, a réservé à cette dernière le traitement de la nation la plus favorisée. Voici l’article 11 de ce traité :

    « Les traitée de commerce avec les différents États de l’Allemagne ayant été annulés par la guerre, le Gouvernement français et le Gouvernement allemand prendront pour base de leurs relations commerciales le régime du traitement réciproque sur le pied de la nation la plus favorisée.

    « Sont compris dans cette règle les droits d’entrée et de sortie, le transit, les formalités douanières, l’admission et le traitement des sujets des deux nations ainsi que de leurs agents.

    « Néanmoins, le Gouvernement français se réserve la faculté d’établir sur les navires allemands et leurs cargaisons des droits de tonnage et de pavillon, sous La réserve que ces droits ne soient pas plus élevés que ceux qui grèveront les bâtiments et les cargaisons des nations susmentionnées.

    « Toutefois, seront exceptés de la régie susdite les faveurs qu’une des parties contractantes, par des traités de commerce à accorder ou accordera à des États autres que ceux qui suivent : l’Angleterre, la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, l’Autriche et la Russie.

    « Les traités de navigation ainsi que les conventions relatives au service international des chemins de fer dans ses rapports avec la douane, et la convention pour la garantie réciproque de la propriété des œuvres d’esprit et d’art, seront remis en vigueur. »