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253.2. LÉGISLATION DU TRAVAIL. — Sous l’empire des transformations économiques qui ont caractérisé le dernier siècle, l’existence des nations a reposé de plus en plus sur le travail et ceux qui l’exercent. Comme conséquence de cet état de choses, une législation protectrice du travail a été édictée dans tous les pays devenus industriels. Tout un système d’institutions publiques, ayant pour objet l’hygiène, la sécurité, la prévoyance, l’épargne, l’assurance, la défense des intérêts des travailleurs, a été érigé à l’abri de cette législation. Il a pour but d’encadrer la vie du travailleur et de venir en aide à ses efforts personnels pour l’amélioration de son sort[1]. « Le droit de jadis ne considérait, dans une société humaine, qu’une fraction de l’ensemble, les classes supérieures, noblesse, clergé, bourgeoisie, le groupe des possidentes. L’immense masse des ouvriers, travailleurs du muscle, voire du cerveau, ne ramassait que les miettes de la table juridique. Désormais ces derniers, la Plèbe oubliée et dédaignée d’autrefois, est considérée à l’égal des autres dans l’œuvre législative : celle-ci vise la société entière, elle s’est socialisée ; le mot n’existait pas plus que la chose ; l’un et l’autre maintenant triomphent. Égalité politique, bien-être matériel et moral. C’est la législation ouvrière après la législation bourgeoise. » (Ed. Picard.)

Cependant, les forces internationalisatrices qui agissent sur la société ont affecté profondément aussi le monde du travail. La prohibition ou le coût élevé qu’entraîne toute mesure protectrice nationale retentit directement sur le prix de revient des produits ; elle les surcharge vis-à-vis de la concurrence mondiale jusqu’à constituer une véritable prime en faveur des pays qui sacrifient les intérêts des travailleurs aux avantages des industriels. D’autre part, les ouvriers ne sont plus les sédentaires d’autrefois. Ils se déplacent avec les industries, ils émigrent, ils vont au delà des frontières accomplir des travaux saisonniers. Pour ces deux ordres de motifs, ni la législation du travail, ni les institutions qui la complètent, ne peuvent être fondées sur une base purement nationale ; des mesures qui en internationalisent les effets sont indispensables. Déjà, en 1818, Robert Owen avait demandé aux gouvernements d’Europe, d’Amérique et aux souverains alliés, réunis en congrès à Aix-la-Chapelle, de saisir « l’opportunité la plus grande qui soit survenue dans l’Histoire » pour établir une législation internationale du travail. En 1890, une conférence internationale se réunit à Berlin, sur l’invitation de l’empereur Guillaume, pour essayer d’établir semblable législation. Depuis, di-

    du nom de Welfare work, l’ensemble des conditions qui intensifient le travail humain en accroissant le confort de l’ouvrier et en évitant le surmenage inintelligent.

  1. M. Dufourmanstelle, La législation ouvrière en France et à l’étranger. — « Annuaire de la législation du travail », publié par le ministère du Travail de Belgique et contenant les lois ouvrières de tous les pays.