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avait aussi abandonné son opposition contre le chemin de fer de Bagdad, entrepris dans une région réservée depuis longtemps aux œuvres anglaises.

7. En résumé l’Angleterre offre le spectacle d’un très ancien organisme, qui depuis quelques décades s’est laissé allé, n’a pas effectué les adaptations nécessaires, n’a pas « réalisé » les conditions nouvelles du monde, concurrence d’une part, possibilités d’autre part. Mais c’est un organisme robuste et sain susceptible de fournir une longue course, d’effectuer quand il le voudra les rajeunissements nécessaires, qui a commencé à les opérer. Ce serait une erreur croire que ce pays a voulu la guerre. La possibilité d’une guerre avait disparu de l’esprit du peuple. C’est dans d’autres voies qu’il cherchait les solutions internationales. Le commerce était redevenu florissant, le chômage rare, la prospérité était générale. L’explication d’une guerre dictée par la cupidité ou la jalousie est impossible, car comment admettre que la Grande-Bretagne eût voulu risquer sa propre existence dans une lutte qui lui aurait coûté plus que le montant total du commerce extérieur de l’Allemagne pendant de nombreuses années[1] !

252. La production.


252.1. ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION INDUSTRIELLE. — Jusqu’à la Révolution française, l’industrie apparaissait discrètement au second plan, comme une annexe de l’agriculture ; au cours du XIXme siècle, elle a pris un essor sans précédent, et sans cesse est devenue plus nombreuse la population vivant du travail industriel. L’origine de l’industrie moderne remonte à cent cinquante ans. Si l’on se reporte jusqu’à ses causes on reconnaît que le développement du commerce l’a précédée et provoquée. En effet, depuis la fin du XVme siècle, depuis la découverte de l’Amérique et de la route des Indes, tandis que la technique restait à peu près stationnaire, il y avait eu un agrandissement perpétuel du monde connu. Des groupes d’hommes essaimaient partout et leurs colonies provoquaient un mouvement commercial en Espagne, au Portugal, en France, en Angleterre, en Hollande. En même temps, à l’intérieur de ces pays le marché s’élargissait entre les diverses parties de chaque État ; le réseau des routes se créait ; grâce aux banques l’argent acquérait de la mobilité. Pour

  1. Cette conclusion est notamment celle, appuyée de chiffres, que présente E. Schmitt, La rivalité anglo-allemande, dans la « Revue politique Internationale », juillet-août, 1915, p. 11. — Consulter aussi sur la même question : Emile Holevaque, Les causes profondes de la guerre, Allemagne-Angleterre, Paris, Alcan, 1915. — Victor Bérard, L’Angleterre et l’Impérialisme, Paris, 1902. — Sarolea, Le problème anglo-allemand. — Schutze-Gaevernitz, Deutschland und England et un article dans « American Review of Reviews », 1909. — Germany and England, par J.-A. Gramb, Professeur d’histoire moderne au Green College, Londres.