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tionale. Elle considère que l’autonomie économique est, dans le monde moderne, la seule forme d’indépendance caractéristique de l’autonomie politique. Un État comme un individu doit être économiquement à l’abri des impositions d’autrui. En conséquence les gouvernements ont charge d’âmes. Leur première mission est d’assurer la vie nationale, d’éviter à tout prix la gêne qui résulte finalement de la stagnation des affaires dans un pays, surtout quand elles deviennent plus actives dans les autres. Les gouvernements ont entre autre à créer un outillage national, c’est-à-dire l’ensemble des moyens mis par un État à la disposition de ses industriels et de ses commerçants pour écouler leurs marchandises soit à l’intérieur, soit au dehors[1]. Les gouvernements ont eu aussi à faciliter le commerce extérieur. La pénétration des marchés ne s’opère pas seulement par l’action des producteurs. Celle de l’État a paru indispensable pour encourager leurs efforts par des organismes spéciaux, par ses consuls, par une législation qui facilite les transports et permette de lever chez lui, en temps opportun, certaines barrières douanières, afin que d’autres se lèvent aussi aux frontières que ses nationaux voudraient franchir. L’État aussi donne plus de force et d’élasticité au crédit, le grand ressort des transactions internationales[2].

L’économie nationale considère chaque État comme un tout complet ou devant tendre à le devenir. Elle double l’État politique d’un État économique. C’est en son nom qu’ont été prises la plupart des mesures protectrices et c’est notamment pour la réaliser que certains pays se sont armés, entraînant tous les autres à leur suite. Chaque peuple, loin de tendre à une division du travail de plus en plus marquée, a cherché le plus possible son autonomie économique. On peut distinguer trois périodes dans l’évolution des nations vers cette autonomie : pendant la première la dépendance est absolue, tant pour les idées que pour les capitaux et les hommes : telle est la situation présente de la majorité des démocraties d’outre-mer. Durant la seconde l’agriculture suffit aux nécessités nationales et l’industrie naît : l’Argentine, le Brésil, le Mexique ont déjà conquis cette liberté partielle. Finalement la période d’exportation agricole et industrielle commence et l’influence intellectuelle se fait sentir au delà des frontières. Après la France et l’Angleterre, l’Allemagne et les États-Unis sont parvenus à cette période[3].

Les gouvernements n’avaient autrefois que des fonctions à l’intérieur ; ils se bornaient quant à l’extérieur à la défense du territoire ; puis ils furent entraînés à devenir, d’abord les protecteurs de leurs na-

  1. E. Colbon, Organisme économique et désordre social. — Masslow, L’évolution et l’économie nationale.
  2. R. Péret, La puissance et le déclin économique de l’Allemagne.
  3. Garcia Calderon, Les démocraties latines de l’Amérique, p. 362.