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d’éléments variés et complémentaires. L’existence des nationalités forme une base naturelle et rationnelle à la répartition de la population du globe en unités gouvernementales, oppose des barrières à l’arbitraire des ambitions territoriales des États. Les petits États basés sur des nationalités bien distinctes ont, ainsi que leur histoire le démontre, une fonction utile à remplir à côté des grands États.

4. Le droit de chaque nationalité, comme le droit de l’homme lui-même, doit être limité par le droit égal des autres nationalités, si bien que la coexistence des diverses nationalités dans la société des nations ne peut se concevoir en dehors de leur respect mutuel et de l’adhésion volontaire à certains principes pour régler et harmoniser leur activité concurrente et antagoniste.

5. Ces principes ont besoin d’être précisés, afin de donner des bases positives et concrètes, à la fois objectives et impersonnelles, à l’idée et au sentiment de Justice supérieure, dont se réclament indistinctement toutes les revendications des nationalités.

6. Les droits inhérents aux nationalités comportent des modalités et des degrés, à savoir : les droits dérivant de sa propre nationalité, à garantir à tout homme, quel qu’il soit et, en quelque lieu qu’il se trouve (droits universels, droits de l’homme) ; le droit à l’autonomie, à garantir aux nationalités ou groupes différents composant un même État (administration autonome, régionale et locale, self-government, autonomie municipale, scolaire, religieuse, etc.) ; l’indépendance et la souveraineté nationales, à garantir aux nationalités homogènes, érigées en États distincts ou aux nationalités différentes, librement associées à d’autres, pour former des États fédératifs ou unitaires.

Aux questions de nationalités, entendues au sens large, se rattachent les questions de races (relations des races blanche, jaune et noire) ; celles des nationalités inconscientes, ne pouvant encore ni comprendre leurs destinées, ni les affirmer ; celles des populations indigènes primitives ou en décadence, incapables de s’élever par elles-mêmes au rang des nations civilisées et ayant besoin d’être éduquées et protégées : celles des colonies dont le stade d’évolution justifie l’émancipation à l’égard des mères-patries.

7. Au premier rang des conditions de la bonne entente internationale, seule base d’une paix durable, est la satisfaction donnée aux légitimes aspirations des nationalités. Cette manière de voir, au cours de la guerre actuelle, a été mise en lumière par de multiples déclarations parmi lesquelles il y a lieu de noter spécialement pour leur précision, celles des dirigeants de l’Angleterre : « Nous voulons, a dit sir Edward Grey, que les nations de l’Europe, quelles qu’elles soient, grandes ou petites, puissent mener une existence indépendante, établir elles-mêmes leur forme de gouvernement et travailler eu pleine liberté à leur développement. » « Nous voulons, a dit, après lui, lord