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De cette conception, vague encore et théorique, il faut s’élever à la conception pratique de la communauté humaine, de l’homme social, fonction et cellule d’une collectivité ; au lieu de s’en tenir à l’erreur individualiste, à la lutte pour la vie, à l’homo homini lupus, à la construction sur la haine. La communauté humaine a été considérée comme une réalité bien définie par la religion des peuples civilisés. Attribuant un même père à tous les hommes, elle doit entrer maintenant définitivement dans les concepts positifs de l’économie, de la morale, du droit et de la politique. Si la sociologie comparée a substitué à la societas generis humani la notion d’espèces sociales distinctes et irréductibles n’ayant en commun que les lois sociologiques qui déterminent inconsciemment leur genèse, leur transformation et leur mort ; si elle a dénoncé comme anti-scientifique l’équation de la société et de l’humanité, elle doit revenir aujourd’hui sur ces conclusions inspirées d’un point de vue exclusif. Ce n’est pas à l’origine qu’il faut chercher l’unité humaine, mais dans son devenir. Toutes les sociétés humaines en évoluant ont tendance à former cette unité, à être soumises à un même ensemble de conditions, à se solidariser jusqu’à devenir des éléments d’un même système.

Conditions et faits universels, intérêts universels, opinion universelle, pensée et conscience universelles, organe et vie universelles, ce sont les termes ultimes de l’évolution dans tous les domaines sociaux. L’humanité ainsi est au bout de toutes les avenues de l’histoire. Dans cette terrible guerre, elle aussi universelle, pour trouver une voie qui conduise à des solutions adéquates il faut savoir envisager comme premières bases les conditions nécessaires à la coexistence de tous les humains, et, au-dessus des intérêts propres aux nations, s’élever jusqu’à ceux plus généraux et plus permanents de la communauté humaine[1].


  1. Sur la « Religion de l’humanité » voir n° 269 ; sur les « Fondements de la fraternité universelle » voir n° 293.3. — Sur la « Conception de l’humanité », voir les œuvres de Comte et des continuateurs de sa pensée réunis en la Société positiviste internationale. (E. Cora, L’Humanité). — Sur la « Communauté internationale envisagée comme conceptions juridiques » voir Leseur, Introduction à un cours de droit international public, 1893, p. 121 ; Pillet, dans la « Revue générale de droit international public », 1894, p. 1 ; Alfred Naquet, L’Humanité et la patrie.