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non prévisibles peuvent subvenir : affaiblissement et soulèvement de l’écorce terrestre ; maladies terribles parmi les hommes ; retour des époques glacières (discuté) ; modification dans l’état du soleil ; rencontre par notre système solaire tout entier, qui marche à une grande vitesse dans une certaine direction, de quelque partie de l’Univers plus chaude ou plus froide que l’espace parcouru depuis plusieurs milliers d’années. Le soleil mieux connu peut aussi nous réserver une catastrophe stellaire, « sa tendance actuelle ne serait pas de se contracter lentement et de s’éteindre, mais de se dilater et de se dissoudre ». Il pourrait donc ou produire un moindre rayonnement de chaleur ou finir subitement par une explosion, toute sa matière se transformant en « cette substance inconnue qui emplit l’espace, que nous appelons l’éther, dans laquelle des mouvements, dont l’origine ignorée et destinée sans doute à demeurer éternellement mystérieuse, créent toutes les forces, font naître la matière elle-même, et dans laquelle tout vient s’évanouir[1]. » En dehors de ces accidents cosmiques les faits normaux à prévoir sont ceux-ci : l’oxygène de l’air et l’action du travail humain diminueront la quantité de métaux et de houille accessible sans trop de peine à la surface de la terre. Les hommes consommeront peu à peu les matériaux mis à leur disposition. L’action incessante des eaux, de la glace et de l’air produira une diminution des surfaces terrestres et surtout l’abaissement des régions élevées. L’abaissement des chaînes de montagnes diminuera la condensation des vapeurs aqueuses et augmentera l’étendue des régions stériles. Les continents se diviseront en archipels. Conséquences : la population diminuera, deviendra plus maritime, l’humanité vivra dans des conditions d’isolement croissant, et le mélange des races s’arrêtera ; elle n’aura plus ni métaux, ni combustibles. Ce sera, après la prospérité, la décadence.

Telles sont les probabilités selon le cours actuel des choses et en se basant sur les raisonnements que nous permettent nos connaissances de maintenant. Mais plus on envisage un temps considérable, plus il faut admettre la possibilité d’événements inconnus, imprévus, impossibles même à prévoir, qui peuvent introduire des conditions absolument différentes, favorables aussi bien que défavorables. Il faut aussi compter avec les réactions volontaires de l’homme contre les faits, réactions que l’entente humaine dans tous les pays rendrait de plus en plus puissante. La connaissance des forces naturelles pourra peut-être donner à l’homme le moyen de se rendre maître des conditions mêmes de la planète qu’il habite et, après avoir agi en petit sur le milieu terrestre ambiant, agir en grand sur le milieu cosmique immédiat. Tous les progrès techniques aboutissent à des déflagrations

  1. Puiseux, dans « Scientia », 1915. — Edm. Perrier, discours d’ouverture à l’Académie des sciences, 1915.