Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nécessités politiques de la vie, réclamaient un enseignement fait de notions utilitaires et applicables, puisées notamment dans les sciences naturelles. Les autres, fondées sur le réveil des nationalités, exigeaient une éducation basée sur la langue et la culture nationales. L’institution du Realgymnasium en Allemagne, l’introduction des « humanités modernes » en France par la loi de 1902, ont consacré le triomphe de ces nouvelles tendances. Mais voici déjà qu’avant la guerre les protestations s’élevaient. Le niveau intellectuel général baissait, tandis que le « gavage » des notions provoquait le surmenage de la jeunesse. Depuis la guerre, et le spectacle qu’elle a donné du résultat moral de certaines cultures, les plaintes paraissent encore autrement fondées[1].

Des « humanités » véritables s’imposent comme un urgent désidératum. Ces humanités feraient de la Grèce et de Rome la première base de la culture humaine, mais loin d’y voir quelque legs mort du passé à assimiler en bloc, loin d’attacher la profondeur intellectuelle, la distinction et l’élégance de l’esprit exclusivement à la langue des Anciens, elles feraient aussi objet de la culture classique « toute création spirituelle dont le sens et la valeur seraient compréhensibles à l’ensemble de l’humanité cultivée et qu’imprégnerait son esprit jusqu’à devenir un patrimoine commun » (de Berzeviczy). Par là, « cette culture consisterait à comprendre et à posséder le passé intellectuel comme s’il s’agissait de conceptions d’aujourd’hui » (Lorenz von Stein). Elle tiendrait compte de ce fait que « nous avons si soigneusement augmenté le trésor laissé par les Grecs et les Romains que les intérêts amassés aujourd’hui dépassent le capital » (Macaulay)[2].

2. L’avenir de l’espèce humaine. Il est difficile d’indiquer certaines probabilités touchant le sort futur de l’espèce humaine. Certains faits méritent cependant de retenir l’attention. Au XVIIIe siècle les philosophes français avaient élaboré une théorie du perfectionnement indéfini. Au XIXe siècle les naturalistes apportèrent des idées nouvelles qui changèrent radicalement les conceptions sur le développement de l’homme (transformation, sélection, adaptation). En traitant de cette question d’avenir on doit envisager deux périodes : le futur

  1. Voir n° 266.2, l’Enseignement.
  2. Nos connaissances de l’antiquité ont fait des progrès étonnants depuis cinquante ans. Elles ont transformé, peut-on dire, notre conception de l’idéal classique que déjà la période de Winkelmann et de Lessing avait perfectionnée depuis celle qu’avaient dégagé les humanistes de la Renaissance. Voir à ce sujet les exposés de von Willamowitz-Moellendorf ; The classical Renaissance, par Sir Richard C. Jebt in Cambridge modern History, Ier chapitre XIV, et la « Pauly’s Real Encyclopädie der classischen Altertumswissenschaft », nouvelle édition par G. Wissowa (Stuttgart, Metzlerscher, 1894-1904). Les huit gros volumes de cette encyclopédie témoignent des résultats féconds des recherches constamment entreprises dans tous les pays pour reconstituer à nos yeux la Grèce et Rome.