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e) Une conception nouvelle se fait jour chez certains d’un internationalisme limité. « Il y a lieu, disent-ils, d’envisager un internationalisme sans les Empires du centre. Les Allemands ont toujours été « Weltliche » et non « Zwischenstaatliche » ; ils ont voulu dominer le monde et créer un « universalisme » allemand. Ils marquaient peu de sympathie en général pour l’organisation et le travail international. La guerre, en mettant à nu leurs conceptions et leurs pratiques fondamentales, n’a fait que confirmer ce que l’on savait. Il faut donc faire l’internationalisme des « bons », c’est-à-dire de ceux qui acceptent sans arrière-pensée les principes du droit et du travail international, et en exclure les « mauvais » jusqu’à ce qu’ils soient venus à résipiscence. Il faut ressusciter une vie internationale et organiser une Société des Nations sur la base de la vérité, de la loyauté, de l’égalité, de la justice, en n’y faisant entrer que ceux a qui admettent ces principes et qui auront donné des garanties que ces principes sont bien intimement les leurs, car les mêmes mots ne sont pas entendus par tous avec le même sens. »

237.3. L’HUMANITÉ. — 1. L’Humanisme. — Qu’a fait dans le passé « l’humanisme » pour unifier la pensée de l’élite intellectuelle du monde ? L’antiquité c’est la Grèce, c’est Rome. La Grèce a fait de la perfection des formes, du développement, de la vigueur, de l’harmonie du corps humain, un culte noble et pur. Pour elle, la beauté et la force de notre corps étaient une manifestation de notre ressemblance avec les dieux. Elle croyait qu’il fallait développer notre corps en même temps que l’esprit. Elle nous a laissé des œuvres immortelles de beauté dans tous les domaines de l’art et des connaissances. Rome, elle, a apporté au monde un concept de vie morale et de vie sociale. Nous lui devons des théories, un droit, une administration, une œuvre immense de moralistes, de législateurs, de constructeurs, d’organisateurs. Après les siècles souvent bien sombres du moyen âge, la Renaissance fit ressusciter en pleine lumière le passé de la Grèce et de Rome et s’efforça à une conciliation de l’antiquité et du christianisme. Ce n’était pas le tout premier essai. Les Pères de l’église avaient déjà tenté d’adapter la philosophie ancienne aux conceptions chrétiennes ; après eux, les Scolastiques avaient réalisé de vastes synthèses où le dogme chrétien et tout Aristote ne faisaient plus qu’un. Mais ce n’en est pas moins la Renaissance, commencée en Italie et communiquée de proche en proche à travers toute l’Europe, qui réalisa dans la vie, dans le sentiment, dans la civilisation, la compénétration des deux idées différentes : le christianisme et l’antiquité. « Le christianisme, le premier, a véritablement prêché la théorie de l’amour du prochain et de la solidarité humaine, mais au cours du moyen âge, il s’était détourné des biens de ce monde dans son désir continu de perfection céleste. L’amour du prochain avait à ce point été idéalisé, rendu transcendantal, qu’il