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caractère juridique. Elle se poursuit selon ses propres buts et revêt ses propres formes. Une partie seulement est soumise à la règle juridique des injonctions et des défenses. Sans doute tout acte humain est soumis à la loi en ce sens que s’il ne tombe sous aucune prescription déterminée il est placé néanmoins sous le régime général du droit en vertu duquel « tout ce qui n’est pas réglé est libre, tout ce qui n’est pas défendu est permis ». Et comme la liberté elle-même est un droit protégé, en fait, peut-on dire le droit englobe de son armature tous les actes. Mais le droit n’est qu’un vêtement, ce n’est pas le corps même ; c’est un des caractères des relations humaines ajouté à tous les autres. Sa force propre n’engendre pas la plupart des actions mutuelles qui ont leurs origines, leurs causes, les motifs de leur moralité dans d’autres objectifs que les siens. Nous ne mangeons pas, nous ne nous promenons pas, nous ne travaillons pas pour satisfaire des fins juridiques. Il suffit — condition négative — que notre alimentation, notre promenade, notre travail n’aille pas à l’encontre de ces fins. C’est pourquoi le problème de l’organisation internationale est plus large que celui du droit international. Le droit vise surtout les lésions à éviter. L’organisation, elle, vise l’utilité, l’intérêt. Il n’y a pas nécessité juridique à ce que je me promène, à ce qu’une ligne de chemin de fer soit construite, à ce que toute construction nouvelle revête de la beauté, à ce que pour dix centimes je puisse correspondre avec le monde entier, à ce que l’isthme de Panama ait été percé pour mettre en communication les deux hémisphères. Mais l’homme, conscient du progrès possible et de ses avantages pour accroître son bonheur, c’est-à-dire son intensité de vie, coordonne ses idéals et ses possibilités en un programme d’activité ; il procède ensuite à la disposition des choses qui dépendent de lui ou qu’il a créées spécialement pour réaliser ce programme. Cela c’est l’organisation, qui devient ainsi le plus général des concepts auxquels nous puissions soumettre notre vie pratique. Consciente ou inconsciente, embryonnaire ou développée, chaque homme a une organisation de vie, et chaque entité sociale en a une. C’est l’organisation collective d’un pays qui en assure la force, la puissance, l’expansion ; qui assure à ses habitants le maximum d’avantages dont une civilisation est capable. Semblablement c’est, ou plus exactement ce sera, l’organisation internationale qui obtiendra le même résultat dans le domaine des relations de peuple à peuple. Elle se placera au point de vue des avantages de l’humanité tout entière, du maximum d’intérêt, et de là décrira dans ses grandes lignes, ultérieurement dans ses détails, le but qu’il est désirable de voir assigner à l’activité de la collectivité humaine tout entière et l’agencement des hommes et des choses les plus propres à atteindre les résultats à rechercher. Et s’il faut à cet effet des dispositions sanctionnées par la contrainte collective, ou des entités assurant le fonctionnement des