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l’invention et de l’organisation : le travail n’est que le bras qui exécute, une tête fait mouvoir des milliers de bras.

3. Données et directions du progrès. — Le progrès conscient consiste pour l’esprit à appliquer son effort à collaborer au progrès spontané de la nature en lui et dans la société. Le progrès individuel est caractérisé par une accentuation volontaire de la part de l’esprit, des tendances qui visent à différencier et à concentrer des facultés et des énergies, en d’autres termes, à accroître sa puissance. Le progrès social est caractérisé par la collaboration volontaire de chaque individu à la concentration des énergies collectives tendant au but social suprême, savoir : la conservation et l’accroissement, en qualité plus encore qu’en quantité, des forces de la société dont il est membre. (Adolphe Ferrière). Le progrès varie d’après les domaines. Progrès anthropologiques : L’organisme humain, s’il présente un perfectionnement certain depuis les temps préhistoriques n’en montre pas un tangible aux époques historiques. Progrès économiques : L’école historique et l’école libérale le placent dans la production ; l’école socialiste dans la répartition ; l’école solidariste dans la consommation. Progrès politiques : Il conduit à des institutions de plus en plus démocratiques. Progrès mental : Il y a évolution intellectuelle organique et perfectionnement social par l’éducation morale[1]. — Il faut nettement distinguer deux sortes de progrès possibles. a) L’Instinct, l’acquit héréditaire, la perfectibilité évolutive (qui se transmet par la mnème héréditaire, c’est-à-dire par engraphie). b) La culture que l’homme acquiert individuellement par la tradition (écriture, dessin, monuments, bibliothèques, poste, télégraphe, journaux, écoles, etc., c’est-à-dire par ekphorie). Ce qui progresse rapidement dans notre civilisation c’est l’encyclopédie de notre savoir, mais non la qualité individuelle de nos cerveaux. Ceux-ci ne sont pas différents de ceux des Grecs et des Romains[2].

À s’en tenir à l’ensemble de la société, il faut considérer avec Novicow que tout progrès consiste dans une association plus intime des éléments humains, en une plus grande « socialisation ». C’est dire que l’organisation internationale, la Société des Sociétés nationales ainsi qu’elle est entrevue et jugée nécessaire de nos jours, doit constituer un nouveau progrès pour l’humanité. La nette conscience s’est formée qu’au-dessus des progrès particuliers que chaque localité, chaque pays est appelé à réaliser, il est nécessaire de travailler à un progrès général, le progrès de l’humanité même.

  1. Le Progrès. Discussion à l’Institut international de sociologie, 1912. — Ferriere, La loi du progrès en biologie et la question de l’organisme social. Paris 1915. — Proudhon, Philosophie du Progrès. — H. Spencer, Progress, its law and cause. (Essays, scientific, political and speculative, vol. I).
  2. A. Forel.