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en faveur duquel on se démène. Le résultat de la lutte continuelle des tendances diffère selon les pays et les époques. Quelquefois une tendance a écrasé une autre, mais presque toujours il y a une, deux ou trois tendances dominantes qui caractérisent l’opinion sans anéantir complètement les autres. En partant de ces bases on peut indiquer ce qui distingue tel pays ou telle époque au point de vue de l’opinion. Ainsi au XIXme siècle, en Angleterre et aux États-Unis les tendances a), c) et d) ont été prépondérantes, mais à partir du milieu de ce siècle en Angleterre la tendance e) a pris également de l’importance d’année en année. En Allemagne dans le XVIIme siècle les tendances b) et e) dominaient, tandis qu’aux environs de 1870 c) et e) ont pris la conduite de la société. Au XXme siècle c’est a) et c) qui y dominent. La France pendants tout le XIXme siècle a été tellement divisée entre a) b) c) et d) qu’il en est résulté des tiraillements et des crises, non sans inconvénients pour les tendances e) et f).

8. Dans le conflit actuel on voit l’influence de l’opinion. Le gouvernement autrichien doit tenir compte de l’opinion. En Angleterre c’est le gouvernement qui dut rapidement former l’opinion après la violation de la Belgique. En Allemagne les dirigeants ne purent faire frein à une opinion qu’ils avaient longtemps préparée dans le sens de la haine de l’Angleterre et de la France. Ce serait une étude pleine d’intérêt que de rechercher la manière dont l’opinion publique a été conduite dans les premiers jours de la guerre, et, immédiatement avant sa déclaration, comment les gouvernements, à l’aide de la presse et des parlements, s’y sont pris pour faire accepter la guerre. Incontestablement en ces jours il a fallu quelque part tromper l’opinion et créer une opinion artificielle. Le mécanisme par lequel cela a pu se réaliser est éminemment intéressant à connaître.

234.6. L’INTÉRÊT ET L’IDÉAL. — 1. l’enchevêtrement des instincts, des habitudes, des sentiments, des idées provoque dans chaque société l’opposition, la lutte et les conflits. Ils prennent deux formes caractéristiques, l’intérêt et l’idéal, l’une expression de l’égoïsme, l’autre de l’altruisme.

2. L’intérêt est le terme sociologique général, à la fois juridique, économique et politique qui sert à désigner les mobiles humains : ce qui importe à quelqu’un, ou à un groupe de personnes ; la raison qu’ils ont de désirer une chose ; les avantages qu’ils peuvent en retirer. L’intérêt est la forme ordinaire de l’égoïsme, mais il faut distinguer l’intérêt immédiat ou différé, direct ou indirect, personnel ou commun, particulier ou général. L’intérêt individuel est le levier du monde. Doublé de l’ambition il déploie librement les initiatives privées et la personnalité humaine. Sur la base de l’intérêt égoïste se sont élevées les morales utilitaires. Mais entre les idées défendues par leurs auteurs et celles que certains y ont voulu découvrir il y a un abîme. Il est