Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tués à subir les circonstances de la lutte commune sur un théâtre immense en retiendront des habitudes de pensée, des points de vue qui renouvelleront l’âme populaire.

6. À ces questions se rattache cette autre soulevée par la guerre actuelle. Constatant les horreurs commises de sang froid par l’armée allemande, les extraordinaires déclarations des intellectuels de l’Allemagne, les décisions et les proclamations de son gouvernement, certains ont parlé de psychose allemande. La névrose guerrière en ce pays serait devenue épidémique, comme au moyen âge la danse de Saint-Guy et la flagellation. D’autres au contraire voient dans le fond même de la mentalité allemande les germes qui, développés par les circonstances, ont produit les horribles résultats qu’ils constatent et c’est toute une race qu’ils voudraient condamner de ce chef. Des psychiatres ne sont pas de cet avis. Pour eux il n’y a pas de psychose allemande. Il y a tout simplement des gens qui sont des « moutons », qui font ce qu’on leur dit de faire, qui se laissent conduire, et il y a une élite mal intentionnée. Pour parler le langage de l’anthropologie criminelle, il ne peut donc être question de « criminels-nés » mais bien de « criminels d’occasion ».

7. La sociologie comme la psychologie fait une distinction dont l’importance s’accroît chaque jour avec l’observation des faits. La sphère consciente où s’élaborent les idées pures, la théorie, les vérités, et la sphère de l’inconscient où s’élaborent les causes de nos actions. « L’histoire montre que des massacres et des dévastations prolongées furent nécessaires pour qu’une vérité rationnelle triomphât d’illusions d’origine affective ou mystique. Le monde fut ravagé pour faire triompher des conceptions aujourd’hui sans prestige et sans force. » (G. Le Bon). « Le mystique aussi domine entièrement l’affectif et le rationnel. Les êtres obéissant à des impulsions affective et mystiques, à des croyances ayant des sources collectives, perdent tout jugement. Ils deviennent incapables de percevoir leurs intérêts les plus clairs et aucun raisonnement ne saurait les influencer. L’âme individuelle arrive alors à se fondre dans l’âme collective ». (G. Le Bon.) « Exemple la conduite des Busses en Galicie, cherchant à orthodoxifier les Ruthènes catholiques uniates et obtenant ce double résultat de faire accueillir leur retraite avec joie et de fortifier les Polonais dans leur croyance. Il y a un gouffre entre leur civilisation et les intérêts de la Russie. » (Jaworski, président du Comité supérieur de la Pologne, dans Scientia, 15 mai 1915).

8. Les idées d’une société quand elles sont organisées forment l’opinion publique. On sait le rôle croissant que celle-ci a joué dans les affaires humaines surtout depuis qu’elle est exprimée par les assemblées délibérantes et par la presse. De nos jours il s’est constitué une opinion publique universelle, saisie à la même heure dans le monde