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progrès, car les habitudes sont sociales, collectives de même qu’individuelles. Quant aux mœurs, elles sont les habitudes particulières à chaque peuple, à chaque groupe ou classe sociale[1]. Les coutumes sont des pratiques ou des usages, anciens en général. Elles servaient autrefois de base à la législation, car leur ensemble formait le droit coutumier ; elles en sont encore le substratum.

Les hommes ont pris l’habitude de vivre en paix dans des groupes de plus en plus étendus ; ils ont accepté comme compatriotes, comme frères, des hommes dont ils étaient séparés autrefois ! (C’est l’histoire de la formation de tous les grands états). Le mécanisme des habitudes, des mœurs, des coutumes démontre qu’il n’y a rien d’intrinsèquement impossible à ce que ce fait s’étende jusqu’aux relations entre les peuples eux-mêmes. Déjà des mœurs internationales se sont formées spontanément, et pour le règlement des affaires il y a des siècles que des coutumes se sont lentement établies. Les coutumes sont aussi des assises pour le droit international.

234.4. LES SENTIMENTS. — 1. Les sentiments ce sont les affections, les passions, tous les mouvements de l’âme et les expressions qu’ils revêtent. À leur base est la sensibilité, la faculté générale d’avoir des sensations et par suite la capacité de jouir ou de souffrir. L’étude des sensations comprend d’abord celle des sens puis celle des données propres à ces sens, (psycho-physiologique et psycho-physique). L’étude de la capacité de jouir et de souffrir c’est l’étude des émotions. L’émotion étant en rapport évident avec les inclinations, soit qu’elles en dérivent, soit qu’elles les produisent, l’étude de la sensibilité comprend celle des tendances de toute sorte, de leurs transformations, les unes dans les autres, de leurs relations avec les plaisirs et la douleur. On distingue la sensibilité physique, c’est-à-dire les émotions qui ont leur cause unique dans les impressions organiques, et la sensibilité morale, c’est-à-dire les émotions qui ont pour condition une idée.

2. La sympathie, la pitié, la fraternité, la charité, l’enthousiasme, la cruauté, la jalousie, la haine, ce sont des sentiments bons et mauvais qu’éprouvent les peuples comme les particuliers (sentiments populaires). Ce sont de puissants moteurs de l’activité collective et ils interviennent dans les relations de nations à nations. Ces sentiments collectifs peuvent s’éduquer. On peut les raisonner, raisonner leurs motifs, faire qu’ils reposent sur des faits réels et non sur des illusions, des imaginations. On peut aussi créer des faits qui à leur tour modifient les sentiments. La guerre actuelle en fournit des exemples. Les pays que l’on a voulu retenir comme alliés ou combattre ensuite ont été représentés dans la presse officielle sous des jours très différents

  1. Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit.