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éclectiques ; mais ils croient l’homme capable de se proposer des possibilités créées par lui spontanément d’être un vrai commencement premier. D’autres comme Fouillée, après avoir montré que certains arguments des défenseurs de la liberté (tirés des prières, des conseils, des ordres, des contrats ou des promesses, des sanctions, etc.) peuvent être invoqués également par les défenseurs de la doctrine du déterminisme universel, fait de l’idée même de la liberté une force capable de produire le mouvement et de toucher par là au mécanisme (doctrine des idées-forces). Bergson voit une liberté dans l’évolution créatrice ; la philosophie de l’action et des valeurs conquiert un domaine auquel le mécanisme des sciences de la nature et le relativisme des sciences historiques ne peuvent prétendre.

2. Quelle est la part de la volonté humaine dans les événements sociaux ? Qu’est-ce qu’une volonté collective ? Sans approfondir ce vaste sujet, voici quelques remarques qui en indiquent certains aspects. L’intérêt pour nous réside surtout dans le point de savoir si un acte de volonté des peuples est possible pour imposer une organisation internationale et comment cette volonté, émanant d’une minorité d’abord, peut ensuite se transformer en celle d’une majorité.

a) Les statistiques démontrent que certains actes, réputés libres lorsqu’on les examine chez les individus, sont, comme actes sociaux collectifs, soumis à certaines lois fixes. (Exemple : mariages, naissances, consommations diverses, etc.) Ce sont précisément ces constatations qui ont été l’origine d’une science sociale expérimentale (Physique sociale). b) Mais en même temps l’histoire nous montre qu’à la différence de ce qui se passe pour les organismes purement biologiques, l’action rationnelle et volontaire est susceptible de déterminer, et ce dans des proportions de plus en plus larges, les conditions de la vie des sociétés. « C’est nous qui créons les fatalités de l’histoire, dit M. G. Le Bon, et il dépend souvent de notre volonté de ne pas les faire naître. Un fait minime peut, à un moment donné, sauver la vie d’un peuple. » Et il cite à l’appui, en l’analysant, la bataille de la Marne, qui évita l’entrée à Paris des Allemands, et la destruction inévitable de cette ville par quartiers successifs, pour forcer la France à accepter une paix qui eût été sa fin. Les faits sociaux démontrent aussi que l’homme n’enfreint pas impunément certaines lois sociologiques. En dehors de toutes les sanctions juridiques, établies par les lois humaines, il est pour elles de véritables sanctions naturelles. C’est le cas de certaines lois économiques qui sont, dans des milieux et dans des temps donnés, aussi implacables que les lois qui président à la gravitation. d) Les peuples ne sont pas égaux en volonté. Il en est de volontaires et d’énergiques, il en est dont la volonté est affaiblie ou abolie. L’affaiblissement de la volonté tient, soit à un défaut d’impulsion, soit à un excès d’impulsion. Le défaut d’impulsion provient tan-