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qui s’est trouvée être utile à l’individu et à l’espèce. À mesure que l’expérience des individus, représentants de l’espèce, se prolonge et s’enrichit, les souvenirs des actes accomplis modifient les impulsions instinctives ; la réflexion remplace de plus en plus le réflexe. Ceci explique que l’instinct joue un plus grand rôle dans la vie des animaux que dans celle des hommes. Pour ces derniers, la volonté sort de l’instinct, elle ne le crée pas[1].

Dans les relations de peuple à peuple, ce sont encore des instincts primitifs qui sont mis en jeu. La volonté doit intervenir pour les dominer, les raisonner, les discipliner selon des fins supérieures devenues conscientes.

234.2. LA VOLONTÉ. — 1. La volonté est la faculté de se déterminer librement à certains actes. Elle s’oppose aux mouvements réflexes qui ne dépendent pas de la volonté. Pour qu’il y ait volonté, il faut d’abord la conception d’un but ou d’une alternative, puis délibération, c’est-à-dire examen des motifs et des mobiles contraires. L’acte volontaire c’est la décision qui suit cette délibération. La volonté est elle libre ou est-elle déterminée ? Grande question dont la réponse peut avoir une importance capitale sur la conduite humaine. Le déterminisme, dans le sens le plus général du mot, est le conditionnement d’une chose par une autre (soit extérieure ou transitive, soit interne ou immanente). Le déterminisme est ainsi la doctrine qui affirme que tout ce qui est dans le monde a sa raison déterminée, que tout se produit infailliblement quand certaines conditions sont données et ne se produit pas dans le cas contraire. Cette doctrine domine depuis longtemps dans les sciences expérimentales, surtout la physique et la chimie. Elle a prévalu en physiologie avec Claude Bernard (déterminisme vital). En psychologie elle s’est introduite en affirmant que dans l’homme les résolutions résultent nécessairement de motifs donnés, de même que dans la nature les faits résultent de causes données. Le déterminisme est ainsi l’opposé du libre arbitre absolu. En le niant, il ne nie nullement la responsabilité relative que seul l’homme peut posséder ni les diverses possibilités dans l’avenir ; il n’est pas le fatalisme. Toutes nos résolutions sont causées, mais nous constatons que leurs motifs sont infiniment plus responsables et relativement plus libres dans un cerveau sain, compliqué, réfléchi, plastique et adaptable que dans un cerveau esclave de passions brutales ou maladives ou encore d’une bêtise ou d’une faiblesse incurable, comme il y en a tant (A. Forel). Des philosophes comme Renouvier, reconnaissent que la liberté n’est pas un fait d’expérience, qu’elle n’est pas prouvée par le sentiment de l’effort libre, comme le voulaient Maine de Biran et les

  1. Albert Lemoine, L’habitude et l’instinct, l’intelligence. — Joly, L’homme et l’animal. — Romanones, L’intelligence des animaux et l’évolution mentale des animaux. — P. Hachet-Souplet, La genèse des instincts.