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Franklin et de Washington deviendrait la république de Pierpont Morgan et de Rockfeller. Les sociétés renferment des germes de développement imprévus, dus aux progrès de la science, aux inventions de plus en plus merveilleuses. La loi la plus générale est celle de la persistance de la force. C’est d’elle que se déduit la loi d’évolution. Cette évolution sera suivie d’un court état d’équilibre, puis viendra la dissolution. L’histoire de l’univers n’est qu’une série de cycles de ce genre[1]. » — « La vie est faite de modifications continuelles, de tendances, d’impulsions, de déterminations qui se heurtent, se contrecarrent, s’entre-détruisent, ou se mêlent, se fusionnent, s’associent, s’ajoutent, se répercutent les unes aux autres, déjouant la sagacité des classificateurs et débordant de toutes parts les limites que leur assigne l’ingéniosité des abstracteurs de quintessence. Seule une philosophie dynamique, en distinguant les directions de ces courants divers, est à même d’en coordonner les éléments (A. Ferrière). »

Les conjonctures sur la destinée des sociétés humaines sont donc nombreuses. La science et la philosophie éliminent peu à peu les moins fondées, mais elles retiennent le problème lui-même voulant s’approcher de plus en plus de sa solution. Quant à la conduite sociale, comme elle ne peut s’appuyer encore sur la base sûre d’une telle solution, elle doit reposer sur des fins plus immédiates. Il s’agit d’organiser la société, non pour toujours et selon des destinées éternelles, mais pour deux ou trois générations, selon leur bien actuel démontrable aux yeux de tous.

234. Les moteurs de l’action sociale


L’instinct, l’habitude, le sentiment, l’idée sont les facteurs de l’action des hommes, des groupes et des sociétés. Ils sont tous intervenus en proportions variées dans la crise actuelle. Il est justifié de les examiner d’un peu près.

234.1. L’INSTINCT. — L’instinct est la faculté d’accomplir certains actes en vue de certaines fins, sans prévision de ces fins, sans éducation préalable de ces actes. Exemple : le chat qui bondit sur la première souris qu’il voit. L’instinct se rapporte au désir, il s’en distingue par sa complexité, il suppose la coordination de mouvements multiples d’une fin d’ailleurs ignorée. Il se distingue de l’habitude, au moins en apparence, parce qu’il est inné, ne s’apprend ni s’oublie. Il y a les instincts pour la conservation des individus, ceux pour la conservation de l’espèce, et les instincts sociaux. Il y a un passage continu du réflexe à l’instinct, de l’instinct à l’activité réfléchie. L’instinct est inné à l’individu, mais il est acquis par l’espèce. C’est, disent les transformistes, une tendance devenue héréditaire dont l’origine n’est pas un acte de volonté réfléchie, mais bien une démarche accidentelle,

  1. Spencer, Les premiers principes, 1862.