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vue de l’établissement de l’Église chrétienne, de sa prospérité et de son expansion. L’Histoire se divise donc en deux parties, la période qui précède et celle qui suit le Christ. La première a pour caractère distinctif de diviser Dieu, de le méconnaître et même de ne pas l’honorer. Par là l’homme tombe dans une déchéance profonde qui le rend attentif à son sort misérable, éveille le désir d’être affranchi de sa misère et le dispose à croire au futur Rédempteur. La deuxième période est caractérisée par l’établissement du christianisme. Quant au détail, plus on médite sur l’histoire des peuples et la marche de leurs destinées, plus on s’aperçoit que l’intelligence de l’Histoire a des limites. Il en est de l’Histoire comme de toutes les sciences en général : on arrive à un point où il faut renoncer à comprendre. Il existe une multitude de phénomènes importants dont nous ne démêlerons le sens que lorsque nous verrons dérouler à nos yeux l’histoire tout entière de l’humanité[1].

b) Réponse du panthéisme. L’humanité n’est que le développement de Dieu même. L’homme s’oublie si complètement qu’il se confond avec Dieu et Dieu avec lui. L’homme trouve dans son histoire celle même du développement de Dieu et c’est par là qu’il arrive à prendre conscience de lui-même.

c) Réponse du spiritualisme. L’homme obscur par son origine doit s’agrandir et s’illustrer dans le cours des siècles. Tombé en proie à la barbarie, il faut qu’il en sorte par l’effort de sa propre nature et, victorieux des résistances qu’il rencontre, qu’il s’élève vers une grandeur infinie. Le but de l’histoire devient la glorification de l’homme par lui-même.

d) Réponse de l’évolutionisme. « Il n’y a pas de période vraiment cultivée qui puisse accepter une philosophie de l’évolution selon laquelle l’humanité se dirigerait vers un but déterminé à priori. Une telle conception se traduit en une scolastique ratiocinante sur les moyens les plus aptes à atteindre, avec le moindre effort, les fins proposées ; mais l’histoire nous apprend que toute politique fondée sur des déductions a conduit à des résultats très éloignés de ceux qu’elle aurait dû produire selon ces principes, en sorte que toute sociologie finaliste nous apparaît aujourd’hui comme un exercice de rhéteur. Nous concevons l’avenir sous forme d’un enchaînement complexe de conjonctures qu’on ne peut prévoir, à travers lesquelles notre volonté intelligente ne cesse d’enfoncer sa pointe, selon une image de M. Bergson[2] ». « Qui aurait pu prévoir que du christianisme primitif sortirait la hiérarchie romaine et qu’on verrait commandant des armées des cardinaux bardés de fer ? Qui aurait pu prévoir que la république de

  1. Moehler, Histoire de l’Église. II, p. 6. — Voir aussi Bossuet, Discours sur l’Histoire universelle.
  2. G. Sorel, Le Confessioni, 1910.