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toutes espèces, capitalistes, ouvrières, politiques, charitables, scientifiques, artistiques, sportives, etc., est un dos phénomènes les plus caractéristiques des temps modernes. Le moyen âge aussi fut une époque prodigieuse d’associations. Il créa tout par l’association. À cette époque s’épanouit, la plus puissante association que l’occident ait produite depuis l’antiquité, l’Église appuyée de ses associations monastiques[1]. De nos jours, il n’est plus guère d’institutions, d’idées ou d’œuvres dont les « amis » ne jugent à propos de se grouper. Le mouvement est spontané, naturel. Tout citoyen fait partie de plusieurs de ces associations. Et les individualistes, les isolés par tendance ou caractère doivent, bon gré, mal gré, en faire partie, s’ils ne veulent pas laisser aux agités ou aux intrigants la direction de ces innombrables groupements, qui en réalité forment l’opinion publique et contribuent à assurer à l’État son unité nationale. Citons un chiffre. En 1900, c’est-à-dire à une époque antérieure à la loi du 1er juillet 1901, et où par conséquent toute association non autorisée était illégale (!) on comptait officiellement en France 45,148 associations sans but lucratif[2]. Les faits se jouent de toutes les théories et la prolifération des associations continue.

Le droit public moderne a dû forcément s’adapter à l’existence de ces puissants groupements, déterminer les règles de leur coordination et leurs rapports avec les gouvernements. Les anciennes théories civilistes de la Révolution, opposées à l’association, ont été impuissantes à s’opposer au mouvement. Quant aux théories collectivistes, elles concluent à l’absorption de tous ces groupements par l’État.

Il ne faut pas s’y tromper : entre les associations d’aujourd’hui et d’autrefois il y a des différences radicales. Au moyen âge l’homme appartenait tout entier à sa corporation. Celle-ci était obligatoire ; elle défendait les intérêts inhérents à son métier ; placée sous le patronage d’un saint, elle était aussi une confrérie dont les membres se réunissaient le dimanche dans la chapelle qui était la leur dans la cathédrale. Et c’était à l’intermédiaire de sa corporation que l’homme avait une influence sur les destinées de la cité, car les assemblées communales étaient composées notamment de représentants des corporations. L’évolution lentement s’est faite. À l’association polyforme du moyen âge, qui suffisait à elle seule à tous les besoins économiques, religieux et politiques de ses membres, se sont substituées plusieurs espèces d’associations différentes. Les ouvriers de nos jours ont leurs syndicats professionnels, mais ceux-ci en général ne s’occupent que de leurs intérêts économiques. Ils ont leurs grandes associations politiques, représentant des idéals opposés et contradictoires : celles-ci socialistes, celles-là libérales ou conservatrices. Ils ont leurs organisations religieuses ou philosophiques, leurs paroisses, leurs sodalités ou leurs

  1. Ed. Clunet, L’association, n° 48.
  2. E. Gide, Économie sociale, 1902, p. 41.