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le « Leviathan », despote sans règle ni frein, organisateur du droit civil et de la religion. Locke admet, de même que Hobbes, un état de nature antérieur à la vie en société,

Pour Spinosa, la société est un produit de la raison qui doit faire que « l’homme devienne un Dieu pour l’homme ». Jean-Jacques Rousseau suppose un droit naturel auquel succède le droit civil par un contrat social librement consenti. L’École historique fonde la vie politique sur le fait et la tradition. Hegel voit dans la société l’effet d’un processus dialectique et naturel, qui a pour fin la création d’une personnalité morale, l’État. Renouvier et Fouillée modifient la conception du contrat social dans lequel ils voient le fondement idéal de la vie collective. Selon Durkheim, les sociétés humaines prennent naissance au sein de l’État grégaire, dans la « solidarité mécanique » qui peu à peu se transforme en « solidarité organique », grâce au progrès de la division du travail social. Elles ont une vie propre, qui est autre chose que la somme des existences individuelles. Cette existence s’affirme dès le début de l’évolution sociale par le dévouement spontané aux intérêts collectifs et par le culte du « totem », qui est une partie de la société primitive divinisée. Pour Comte, Spencer, Lilienfeld, Novicow, Schaeffle, Worms, la société est un organisme ou hyperorganisme vivant, ayant des fonctions analogues à celles des individus. Pour Tarde elle est le produit de l’invention et de l’imitation. Pour Karl Marx et Loria toute l’évolution sociale est subordonnée à l’évolution économique (matérialisme économique). Pour de nombreux sociologues allemands (Guimplovitz, etc.) les sociétés humaines sont dominées par la « lutte des classes ».


232.3. NATURE ET FONDEMENT DES SOCIÉTÉS HUMAINES.. — Quelle est la nature de la société, le fondement du lien social, ce par quoi les sociétés sont produites et se soutiennent ? On peut dire que les sociétés sont à la fois des organismes, des mécanismes, des unions d’intelligence. Assurément, ce ne sont là que des comparaisons, des analogies, mais elles ont toutes leur valeur. Moins pour ce qu’il faut expliquer peut-être que pour ce qu’il faut créer. En effet, plus nous possédons de types de structure, — par exemple l’organisation animale, la machine, une société savante, une entreprise industrielle, qui met en relation des milliers de travailleurs et des millions de capitaux, — plus notre imagination constructive a de modèles auxquels elle peut emprunter pour ses propres créations. Ceci est d’un intérêt majeur pour le problème qui nous occupe : la structure de la vie internationale.

A. Les sociétés sont des organismes. Un organisme c’est un ensemble de cellules vivantes groupées d’une certaine façon particulière, remplissant des fonctions déterminées mais travaillant toutes au profit du corps entier. Une société est un ensemble de familles grou-