Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entre les Dominions anglais, le Kaiser symbolise la plus grande Allemagne, le roi Albert et le roi Pierre symbolisent aujourd’hui la Belgique et la Serbie. En Autriche l’empereur et la famille impériale sont sacrés : l’idée de patrie n’existant pas dans un pays à douze nationalités ennemies les unes des autres, l’amour de la monarchie y a remplacé l’amour de la patrie.

4. Au point de vue international le rôle des chefs est considérable. Les dynasties se sont toujours efforcées de poser différentes couronnes sur la tête de leurs membres. De nos jours le souverain a conservé dans la plupart des pays la direction des affaires diplomatiques et il a le droit de déclarer la guerre ou de faire la paix sans intervention préalable de son peuple. Or, les souverains et les grandes familles ont des intérêts propres et des attaches, des ramifications qui s’en vont, souvent occultement, en lointains pays. On peut s’en rendre compte et constater le caractère international des dynasties régnantes et de la grande noblesse en parcourant l’« Almanach Gotha », généalogie des Maisons modernes d’Europe, des seigneurs médiatisés d’Allemagne, des maisons princières non souveraines de tous les pays. Il existe un véritable internationalisme des rois.

La guerre a montré de quelle importance pouvaient encore être les alliances dynastiques. Les États balkaniques ont presque tous à leur tête des souverains d’origine ou d’alliance allemande (Ferdinand de Bulgarie, Carol de Roumanie, Constantin de Grèce). Ils surent partout se mettre en travers même du courant populaire. L’histoire est trop proche pour que nous puissions déjà en démêler tous les fils[1]. Le conflit de 1870, qui a eu pour occasion la candidature d’un Hohenzollern au trône d’Espagne, nous en donne une idée, sans devoir remonter aux autres exemples historiques comme le Pacte de famille, Louis XIV assurant à son petit-fils la couronne espagnole en déclarant : « Il n’y a plus de Pyrénées ! »

5. L’existence du droit dynastique maintenu encore au milieu de l’Europe du XXme siècle doit retenir notre attention.

La forme fédérale de l’empire allemand est le résultat d’une entente raisonnée entre les fractions d’un même peuple, décidé à réaliser son unité ; mais aussi celui d’un compromis entre les dernières dynasties qui empêchèrent pendant plusieurs siècles la création de cette unité. À partir du XIVme siècle se forma en effet le droit dynastique allemand, contenu dans le grand nombre des statuts de maisons princières de l’Empire. Le droit dynastique, d’origine féodale, mais d’esprit monarchique, a pour but d’assurer la transmission perpétuelle et continue du pouvoir souverain dans une même famille. C’est

  1. On a parlé d’accords « personnels » entre Guillaume II et Constantin de Grèce, accords dont n’auraient pas à connaître les peuples et déterminant le droit du souverain en matière de guerre.