Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

3. Ce qu’on a appelé le monde aux diverses époques de l’histoire a bien varié ! Combien la terre est vaste en comparaison du petit bassin méditerranéen sur les rives duquel se confina pendant si longtemps la civilisation ! Combien les hommes d’autrefois paraissent faibles et craintifs, même aux plus glorieuses époques du passé, en comparaison de la formidable puissance dont nous disposons aujourd’hui ! (Ferrero.) Sous l’Empire, après la première invasion gothique, ce qu’on appelait alors le monde, était limité aux pays qui s’étendent du golfe Persique à la mer d’Irlande et de la Scandinavie au Sahara, et ces territoires étaient partagés en deux fractions : « le monde nouveau et le monde barbare ». Successivement à leur heure d’importance apparaissent sur la scène du monde les peuples et les races de l’Asie septentrionale et méridionale, de l’extrême Orient, de l’Amérique et de l’Afrique aujourd’hui. Peu à peu cependant la terre se révèle aux hommes grâce à leurs efforts aventureux : la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb (1492) ; la découverte de Vasco de Gama qui double le cap de Bonne-Espérance et aborde au sud de l’Inde (1498) ; celle de Magellan qui fait le tour du monde en doublant le sud de l’Amérique (1520) ; celle de Marco Polo qui traverse toute l’Asie, jusqu’à Pékin (1520). Bientôt toutes les nations participent à ces découvertes. En même temps les nouvelles terres deviennent la possession de ceux qui las découvrent : Portugais (côte d’Afrique et Sumatra), Espagnols (Amérique du Sud et du Centre), Hollandais (Australie), Anglais (Australie), Français (Canada, Louisiane). Il y a quarante ans, Élisée Reclus, en tête du monument qu’il élevait à la Géographie Universelle pouvait encore dire que la Terre restait en partie une inconnue à l’homme, que la nature ou les hommes opposaient des barrières. Et il citait les deux pôles, le centre de l’Afrique, une partie du Continent australien, la Nouvelle-Guinée, les plateaux de l’intérieur de l’Asie. Aujourd’hui la terre entière est devenue le territoire où s’exerce l’activité humaine et celle-ci ne se laisse plus enserrer ni comprimer dans les limites arbitraires des frontières de chaque pays. Ce n’est plus seulement un échange de produits ou une circulation d’idées ; c’est une colonisation des uns chez les autres, des uns par les autres. Les hommes se transportent et s’installent eux-mêmes à l’étranger, avec leurs capitaux, ou sous leur direction ; ils s’y créent des établissements. Ils agissent ainsi réciproquement. Les uns suppléent par là aux manquants des autres et ainsi se prolonge, de pays en pays, le phénomène national de la colonisation intérieure, grâce auquel la population peut augmenter encore sur un même territoire, pourvu que les derniers arrivants l’utilisent économiquement à de nouveaux points de vue.

4. Chaque partie de la Terre a ses grandes caractéristiques. L’Europe occupe La première place dans le monde. Sans avoir une popula-