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les autres du vin, celui-ci un mouton, celui-là une oie grasse, celle-ci un chaudron, celle-là une marmite, etc.

Aussi la fête dura-t-elle tant qu’il y eut à boire et à manger.

Lorsque les gens de la noce furent partis et qu’il ne resta plus le moindre rogaton à grignoter, le mari dit à sa moitié :

« Femme, si tu allais à la fontaine chercher de l’eau pour faire la soupe. Il y a longtemps qu’on n’a entendu le tic-tac du moulin, et il va falloir se remettre à la besogne ; mais auparavant il faut prendre des forces. »

La nouvelle mariée prit aussitôt une cruche et se rendit à la fontaine.

Plus d’une heure s’écoula et elle ne revenait pas.

Le mari impatienté dit à sa mère : « Allez-donc voir ce que fait votre bru. »

La vieille se dirigea à son tour vers la fontaine, et aperçut Perrine assise sur une pierre, plongée dans des réflexions tellement profondes qu’elle avait oublié le motif qui l’amenait en ces lieux.

« Que faites-vous donc là ? lui cria la vieille. Votre mari vous attend. Dépêchez-vous ! Il ne faut pas le mettre en colère dès les premiers jours de votre ménage.

— Oh ! répondit la jeune femme, je songe à une chose qui me chagrine ben.

— À quoi donc ?

— Je pense que si j’avons des garçailles comme oui, tous les noms qui sont pris comme oui, quels noms j’leur donnerons-t-y comme oui ?

— En effet répondit la mère du meunier, la chose est sérieuse et mérite qu’on s’en occupe. Tous les noms tels que Pierre, Jacques, Baptiste, ont déjà été donnés, et je ne vois pas comment nous ferons pour en trouver de nouveaux.

Et la vieille alla s’asseoir près de sa bru, afin de réfléchir plus à l’aise.

Le meunier, exaspéré, s’en fut à son tour vers la fontaine et vit de loin les deux femmes qui semblaient changées en statues, tant leur immobilité était complète.

« Qu’avez-vous donc à ne pas bouger de place ? leur cria-t-il. Vous est-il arrivé malheur ou bien êtes-vous folles ? Voyons, répondez-donc ?

— Non, mon ami, dit la mariée. Venez tâcher de nous tirer d’embarras, car enfin, si j’avons des garçailles comme oui, tous les noms qui sont pris comme oui, quels noms j’leur donnerons-t-y comme oui ?

Le pauvre homme, furieux d’une pareille réponse, dit à sa