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pour les juger légitimement, selon cette doctrine ; voilà une bagatelle encore plus forte à deviner dans les suites de ce à quoi l’on se résoudra. Bref, je me croyais plus qu’autorisé à rejeter la doctrine de cette école, sans l’écouter davantage. Mais, de l’autre côté, ce n’était pas chose facile de ne pas l’écouter ; c’était même chose insensée. Car, toutes les fois que je l’écoutais, que je la suivais dans les applications qu’elle a fait de ce même principe aux sciences les plus importantes, à l’économie politique, exemple, à la jurisprudence, je devais reconnaître que ne pas vouloir l’écouter ce serait ne pas vouloir connaître. Que de faits observés ! et que d’observations justes ! Quel détail long, suivi, lié des conséquences de telle action, de telle prescription ! Que de bons jugemens, et que de bons avis ! Ce qu’il y a même de choquant (pour me servir du mot le plus doux) dans ce principe d’utilité, de jouissance, on ne s’en aperçoit presque plus dans l’application que ces gens en font ; car où placent-ils presque toujours ce plaisir la plus part ? dans l’activité, dans la fidélité à ses engagemens, dans le plaisir fait aux autres, dans la bienfaisance enfin et dans la bienveillance ; cet égoïsme, cet épicuréisme qui semblerait devoir découler du principe comme de sa source, on le trouvera plus volontiers dans les écrits de ceux qui le repoussent que dans les écrits qui veulent l’établir. Or, voulez vous savoir quel était pour moi le résultat de toutes ces réflexions opposées ? c’était de m’écrier : c’est singulier ! : ces mots par lesquels on conclut si souvent, tandis qu’ils devraient être le signal de l’ouverture de la discussion. Non seulement je ne venais pas à bout de juger d’un seul jugement cette doctrine, mais je n’y songeais même pas.