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D’un côté je la voyais acharnée à m’enlever un mot, dit-elle ; mais quel mot ! celui qui me vient le premier à la bouche, celui que j’entends le premier, toutes les fois qu’il s’agit d’apprécier un acte de la volonté humaine ; ce mot encore plus souvent sous-entendu ; qu’il n’est employé ; que l’on retrouve dans les lieux, dans tous les tems où la connaissance peut atteindre ; ce mot dont on se sert pour approuver tout ce que l’on veut approuver, pour flétrir tout ce que l’on veut flétrir, tant on est sûr qu’il est entendu par tout le monde ! ce mot que l’on oppose à tout, avec l’assurance qu’il est victorieux de tout, lorsqu’il est légitimement appliqué ; ce mot dont on part dans les disputes ; avec l’assurance qu’il est admis par tout adversaire ; la justice ! ce mot, sans lequel on ne saurait comment s’entendre, pourquoi on s’est entendu jusqu’à présent, avec lequel s’en iraient tant d’autres, dont l’abjuration paraîtrait également une espèce d’abjuration de l’humanité : devoir, conscience, etc. Et, chose étrange, chose impatientante, ou plutôt chose douloureuse, en nous enlevant le mot, cette école prétend nous laisser la chose, ou plutôt nous la rendre en meilleure forme, elle prétend arriver à l’endroit d’où tous les honnêtes gens ont accoutumé de partir ; elle prétend être une vérité qui se trouve toujours d’accord avec une certaine erreur ; c’est un principe rationnel qui a peur de ne pas se rencontrer dans les conséquences avec un principe déraisonnable. C’eût été déjà assez pour se défier du principe et de sa raison ; mais lorsque j’examinais le chemin par lequel il prétendait me conduire, j’étais d’abord et je demeurais toujours plus convaincu de l’impossibilité d’arriver ; je trouvais que c’était se moquer que de proposer pour règle des jugemens et de la conduite telle chose que l’utilité. L’utilité de celui qui agit, et de tout le monde ! Voilà une bagatelle à vérifier dans toutes les suites des action passées,