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a fait pis. Nous avons sacrifié trop librement au culte de Bacchus ; nous avons même transfiguré l’image ensanglantée de Mars. Pourquoi ne nous consacrerions-nous pas à la Reine des Camélias et ne nous abandonnerions-nous pas au chaud courant de sympathie qui descend de ses autels ? Dans le liquide ambré qui emplit la tasse de porcelaine ivoirine, l’initié peut goûter l’exquise réserve de Confucius, le piquant de Laotsé et l’arôme éthéré de Çakyamouni lui-même.

Ceux qui sont incapables de sentir en eux-mêmes la petitesse des grandes choses sont mal préparés à discerner la grandeur des petites choses chez les autres. Un Occidental quelconque, dans sa complaisance superficielle, ne verra dans la cérémonie du thé qu’une des mille et une bizarreries qui constituent pour lui le charme et la puérilité de l’Extrême-Orient. Il s’était habitué à considérer le Japon comme un pays barbare tant que l’on n’y pratiquait que les arts aimables de la paix ; il tient le Japon pour civilisé depuis qu’il s’est mis à pratiquer l’assassinat en grand sur les champs de bataille de Mand-