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et cependant si malheureuses ? Les insectes peuvent piquer et la bête la plus paisible peut lutter quand elle se sent aux abois. Les oiseaux dont on recherche les plumes pour garnir un chapeau peuvent échapper, en s’envolant, à celui qui les poursuit ; l’animal fourré dont vous convoitez le vêtement peut se cacher à votre approche. Hélas ! la seule fleur qui ait des ailes est le papillon ; toutes les autres demeurent immobiles et désarmées devant leur bourreau. Si elles poussent des cris pendant leur agonie, ils ne parviendront pas à nos oreilles endurcies. Nous sommes souvent brutaux vis-à-vis de ceux qui nous aiment et nous servent en silence, mais l’heure peut venir où notre cruauté éloignera de nous nos meilleurs amis. N’avez-vous pas remarqué que les fleurs deviennent de plus en plus rares chaque année ? C’est peut-être que leurs sages leur ont conseillé de fuir jusqu’à ce que l’homme soit devenu plus humain ; sans doute ont-elles émigré au ciel.

Louons l’homme qui s’adonne à la culture des plantes ; l’homme au pot de fleurs est infiniment plus humain que l’homme aux