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car il n’y a pas dans son cœur de fissure par où l’amour puisse pénétrer et le remplir. La vanité en art est également fatale à la sympathie, soit de la part de l’artiste, soit de la part du public.

Je ne sais rien de plus sanctifiant que l’union des esprits parents dans l’art. Au moment de ces rencontres, l’amateur d’art se surpasse lui-même. Il est à la fois et n’est pas. Il entrevoit une lueur de l’infini, mais les mots ne lui suffisent pas à exprimer sa joie, car les yeux n’ont point de langue. Libéré des chaînes de la matière, son esprit se meut dans le rythme même des choses. C’est ainsi que l’art s’apparente à la religion et ennoblit l’humanité ; c’est ce qui fait d’un chef-d’œuvre quelque chose de sacré. Dans les temps anciens, la vénération dont les Japonais entouraient les œuvres d’un grand artiste était extrême. Les maîtres de thé conservaient leurs trésors avec une discrétion toute religieuse et il fallait souvent ouvrir, l’une après l’autre, nombre de boîtes avant de découvrir le reliquaire, l’enveloppe de soie dans les doux plis de laquelle reposait le saint des