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MARMION

xxv.

— Grand merci, dit lord Marmion ; je ne souffrirai pas que le frère Jean, cet homme vénérable, s’expose pour moi au moindre danger : si le pèlerin veut me servir de guide jusqu’à Holyrood, il aura lieu de se louer de moi autant que de son patron. Ce ne sont ni coquilles ni chapelets que je lui promets, mais de beaux et bons angelots d’or. J’aime d’ailleurs ces saints errans ; ils ont toujours en réserve, pour charmer l’ennui d’une route sur les montagnes, quelque chanson, lai, romance, conte joyeux, bon mot, ou pour le moins une légende menteuse.

xxvi.

— Ah ! noble chevalier, interrompit Selby, et il posa un doigt sur sa bouche d’un air de mystère ; cet homme est bien savant : peut-être même l’est-il plus qu’on ne peut le devenir par de saintes pratiques ; il se parle souvent à lui-même, et recule comme devant un objet visible pour lui seul. Hier au soir nous allâmes écouter à la porte de sa cellule : nous entendîmes des paroles étranges, et cela dura jusqu’au matin, quoiqu’il n’y eût personne avec lui. Parfois il me semblait que d’autres voix répondaient à la sienne. Que vous dirais-je ? Je ne vois là rien de bon… et frère Jean prétend qu’il est écrit que jamais une conscience nette et exempte de toute souillure du péché ne peut veiller et prier si long-temps ; car frère Jean lui-même s’endort toujours en disant son chapelet, avant d’avoir récité dix Ave et deux Credo.

xxviii.

— Fort bien, dit Marmion. Par ma foi ! ce pèlerin sera mon guide, quand Satan et lui seraient d’intelligence. Ainsi, qu’il vous plaise, gentil jouvencel, d’appeler le pèlerin dans cette salle.

Le pèlerin fut appelé et introduit.

Un noir capuchon lui couvrait le visage ; sa robe était de la même couleur, et sur ses larges épaules on voyait les clefs de saint Pierre découpées en drap rouge. Des co-