Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/285

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était plus nombreux : j'ai ouï dire qu'elle était charmante comme ses écrits. Son esprit était une source toujours abondante ; des secrétaires veillaient la nuit pour écrire sous sa dictée ; on faisait des livres des bons mots qui lui échappaient à chaque instant. Au contraire, Rousseau était taciturne ; il travaillait laborieusement ; il m'a dit qu'il n'avait fait aucun ouvrage qu'il n'eût recopié quatre ou cinq fois, et que la dernière copie était aussi raturée que la première ; qu'il avait été quelquefois huit jours à trouver l'expression propre. Sa conversation était très-intéressante, surtout dans le tête-à-tête; mais l'arrivée d'un étranger suffisait pour l'interdire. Il ne faut, me disait-il, qu'un petit argument pour me renverser ; je n'ai d'esprit qu'une demi-heure après les autres : je sais précisément ce qu'il faut répondre quand il n'en est plus temps. Le premier, toujours léger et facile dans son style, répand les grâces sur les matières les plus abstraites : mais le second fait sortir de grandes pensées des sujets les plus simples ; l'origine des lois, de la plantation d'une fève. Le premier, par un talent qui lui