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je m'acheminai tout seul; la première personne que je rencontrai, ce fut Jean- Jacques. Nous allâmes nous mettre dans un coin, du côté de la loge de la reine. La foule et le bruit augmentant, nous étouffions. L'envie me prit de le nommer, dans l'espérance que ceux qui l'environnaient le protégeraient contre la foule. Cependant je balançai long-temps, dans la crainte de faire une chose qui lui déplût. Enfin, m'adressant au groupe qui était devant moi, je me hasardai de prononcer le nom de Rousseau, en recommandant le secret. A peine cette parole fut-elle dite, qu'il se fit un grand silence. On le considérait respectueusement, et c'était à qui nous garantirait de la foule, sans que personne répétât le nom que j'avais prononcé. J'admirai ce trait de discrétion rare dans le caractère national ; et ce sentiment de vénération me prouva le pouvoir de la présence d'un grand homme.

En sortant du spectacle, il me proposa de venir le lundi des fêtes de Pâques au mont Valérien. Nous nous donnâmes rendez-vous dans un café aux Champs-Elysées. Le matin